Charlotte Salomon. Vie ? ou Théâtre ? Une sélection de 450 gouaches - Evelyn Benesch et Judith C.E. Belinfante
- Titre : Charlotte Salomon. Vie ? ou Théâtre ? Une sélection de 450 gouaches
- Auteur : Evelyn Benesch
- Editions : Taschen
- Date de parution : 26 octobre 2017
- Nombre de pages : 600
- ISBN : 978-3836539319
Les auteures
Evelyn Benesch
est directrice-adjointe du Bank Austria Kunstforum à Vienne.
Durant sa longue activité de commissaire d’exposition, elle s’est intéressée aux divers artistes de l’époque moderne – de Paul Cézanne à Henri de Toulouse-Lautrec, des futuristes aux peintres de Brücke –, à Pierre Bonnard ou à Balthus.
Judith C.E. Belinfante
a étudié l’histoire contemporaine à l’université d’Amsterdam.
Entre 1969 et 1998, elle participa à la collecte des pièces et à la construction du Musée historique juif d’Amsterdam, et en devint la directrice en 1976. Députée de 1998 à 2002, elle fut conservatrice en chef des collections spéciales de la bibliothèque universitaire de l’université d’Amsterdam entre 2003 et 2008.
Elle est présidente de la fondation Charlotte Salomon.
Présentation de l'éditeur
Peindre pour survivre
L’acte de bravoure artistique de Charlotte Salomon sous le Troisième Reich
Charlotte Salomon. Vie ? ou Théâtre ?
Voici le chef-d’oeuvre cathartique de Charlotte Salomon. Confiée à un ami avant sa déportation vers Auschwitz, sa série de gouaches Vie? ou Théâtre? a perduré comme un exploit artistique hors catégorie et sans comparaison.
Réunissant les 450 pièces les plus significatives, dont des séquences découpées comme un film et des conseils musicaux, cette autobiographie en forme de fiction est un monument d’expression intime née d’un drame familial.
«Prends-en soin. C’est toute ma vie.»
— Charlotte Salomon
Quand l’artiste allemande Charlotte Salomon (1917–1943) confia sa série de gouaches Vie? ou Théâtre? à un ami, elle le supplia: «Prends-en soin. C’est toute ma vie.»
Quelques mois plus tard, un camion de la Gestapo emportait Charlotte, enceinte de 5 mois. Elle fut déportée à Drancy, puis à Auschwitz, où elle fut gazée dès son arrivée, à l’âge de 26 ans.
Bien des pages sont hantées par le traumatisme, mais aussi par une certaine insoumission.
Née dans un contexte familial marqué par la dépression, l’oeuvre que Charlotte Salomon a laissée derrière elle représente, au sens propre du terme, sa pièce de résistance, «quelque chose de sauvagement excentrique» selon ses propres termes.
Ce cycle de près de 1.300 gouaches autobiographiques combine créativité forcenée et narration personnelle avant-gardiste dans un document bouleversant d’expression intime.
Divisées en 3 parties, les gouaches dessinent un autoportrait vivant retraçant toutes les facettes de son existence: de la complexité de sa vie familiale, marquée par le suicide de presque toutes les représentantes féminines, son enfance à Berlin, sa relation intime avec son professeur de chant Alfred Wolfsohn et la montée du nazisme jusqu’à son exil en France en 1939.
Tout au long de son histoire, l’artiste joue avec les pseudonymes facétieux et les éléments fantastiques avec une franchise émotionnelle, un sens remarquable de l’observation et une mémoire visuelle exceptionnelle.
Ses séquences, présentées comme des fragments de film, sont parsemées de mots mais aussi de suggestions musicales contemporaines qui font de Vie? ou Théâtre? le script d'une comédie musicale, des années avant que le genre soit à la mode.
Échappant à toute catégorisation ou comparaison, ces gouaches constituent un triomphe de la vérité personnelle et de l’expression individuelle. Publié ici à travers une sélection des 450 gouaches les plus significatives, Vie? ou Théâtre? est le chef-d’oeuvre sans égal d’une artiste immense et ambitieuse, assombri par sa mort prématurée, mais lumineux par sa précision, son lyrisme et son courage.
Mes impressions
Après avoir lu Charlotte, de David Foenkinos, j'avais eu la curiosité d'aller voir ses peintures sur internet, et j'ai tout de suite été séduite et impressionnée par son oeuvre. En effet, avoir produit tant de tableaux en si peu de temps relève de l'exploit. De l'intuition, peut-être ? C'est ce qui à mes yeux rend son oeuvre très émouvante.
Ce très bel ouvrage, paru à l'automne chez Taschen, est une biographie de Charlotte Salomon, à l'éclairage de son oeuvre, elle-même un "résumé" de sa courte vie. A travers une sélection de 450 de ses gouaches les plus significatives, il nous est offert de découvrir son univers tourmenté.
Ce livre est composé de deux parties : dans la première, les deux auteures s'expriment et analysent la vie et l'oeuvre de Charlotte Salomon (à l'éclairage de photos et en faisant des références précises à certaines gouaches) Dans la seconde partie, ce sont les textes et les 450 peintures de Charlotte que l'on découvre.
Charlotte Salomon avait elle-même organisé son oeuvre en trois parties : Vorspiel (prologue), Hauptteil (partie principale) et Nachwort (postface). Le tout précédé d'un petit programme (Programmheft) présentant les personnages et la pièce. Elle l'avait appelée : "Leben ? oder Theater ? ein Singespiel". (Vie ? ou Théâtre ? une pièce musicale). Ses peintures sont en effet accompagnées de textes, d'indications et parfois de propositions de musiques.
Charlotte est née en 1917 à Berlin. Quand elle a 9 ans, sa mère se suicide. Sa tante (la soeur de sa mère, qui s'appelait aussi Charlotte) s'était également suicidée quelques années auparavant. A l'enfant, son père dit que sa maman est morte emportée par une maladie. Ce n'est que des années plus tard, en 1940, lorsqu'à son tour sa grand-mère maternelle se suicide alors qu'ils sont en exil dans le sud de la France, que son grand-père révèlera à la jeune-fille les véritables circonstances de la mort de sa mère. Le contexte familial n'est donc pas simple, ni léger. Même si au cours de ses jeunes années, Charlotte a bénéficié d'un environnement très porteur culturellement et socialement.
Il faut y ajouter le contexte historique. Charlotte, jeune-fille juive, grandit à Berlin, en même temps que la montée du nazisme. Très vite, son père, chirurgien, ne peut plus exercer à l'hôpital de la Charité mais doit se contenter d'exercer dans un hôpital juif. De même, sa seconde épouse, Paula Salomon-Lindberg, qui est chanteuse, n'a le droit de se produire que devant un public juif. Charlotte ne peut plus fréquenter son lycée et doit le quitter malgré sa conduite irréprochable, en septembre 1933. Une année avant le bac, qu'elle ne passera jamais. Elle s'inscrit ensuite à l'académie des arts, où sa présence devient vite un problème. Elle y gagne un prix, qu'elle ne peut recevoir parce que juive. pendant ces années, elle tombe éperdument amoureuse d'Alfred Wolfsohn, le professeur de chant de Paula. Il est souvent représenté sur ses gouaches.
Lors de la "Nuit de Cristal", le 9 novembre 1938, Albert Salomon, le père de Charlotte, est arrêté et emprisonné dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Grâce aux relations de Paula, il arrive à en sortir. Il a compris qu'il était grand temps de fuir. Il est trop faible pour voyager, mais décide de mettre sa fille à l'abri en l'envoyant auprès de ses grands-parents maternels qui eux sont déjà dans le sud de la France, à Villefranche-sur-Mer. Au printemps suivant, Albert et Paula partiront pour Amsterdam. Alfred Wolfsohn, lui, partira en Angleterre.
Lorsqu'elle arrive sur la Côte d'Azur, Charlotte est soulagée, la pression se fait moins forte. Elle et ses grands-parents logent chez Ottilie Moore, une riche américaine, qui va l'inciter à peindre. Elle lui achète même des tableaux et des cartes de voeux. De 1940 à 1942, Charlotte sera très productive. Puis peu à peu la pression remonte, la France déclare la guerre à l'Allemagne, les nazis envahissent la France, s'approchent de nouveau dangereusement...
Charlotte est tourmentée, elle se sent acculée, n'ayant le choix selon elle, qu'entre le suicide ou l'accomplissement de quelque chose de grandiose. Elle choisira la deuxième solution, en créant en un temps record cette oeuvre incroyable. Elle se marie le 17 juin 1943, et c'est avec son mari qu'elle sera arrêtée le 23 septembre de la même année, puis déportée à Auschwitz le 7 octobre, alors qu'elle est enceinte de 5 mois. Elle y sera assassinée dès sont arrivée, probablement le 10 octobre 1943.
Dans le sud de la France, Charlotte s'était également liée d'amitié avec le docteur Georges Moridis. C'est à lui qu'elle confiera son travail avant d'être arrêtée, en lui disant "prenez-en soin, c'est toute ma vie". C'est ce qu'il fera, et c'est pour cela qu'après la guerre, quand ils se rendront dans le sud de la France, Albert et Paula Salomon trouveront les peintures de Charlotte. Ils emporteront aussi avec eux cet auto-portrait de leur fille qui se trouvait chez Ottilie Moore :
L'oeuvre de Charlotte Salomon, c'est tout ça à la fois. Dans sa "comédie musicale", elle a donné un rôle à chacun de ses proches en leur donnant des pseudonymes. Ainsi Paula Lindberg devient "Paulinka Bimbam". Son oeuvre raconte sa vie, de la rencontre puis le mariage de ses parents, jusqu'à son exil dans le sud de la France.
Texte accompagnant cette peinture : Suicide d'une jeune de 18 ans. Charlotte s'est donné la mort au Schlachtensee.
Hier soir, une jeune-fille s'est noyée dans le Schlachtensee. La dépouille retrouvée a été identifiée aujourd'hui par le père à la morgue. Nous présentons nos condoléances les plus sincères aux parents et espérons qu'ils trouveront du réconfort auprès de leur fille aînée.
Texte accompagnant cette peinture : Franziska (la maman de Charlotte) dit :
Au ciel, c'est beaucoup plus beau que ça ne l'est sur cette Terre - et quand ta maman sera devenue un ange, alors elle redescendra et elle t'apportera, petit lapin, elle t'apportera une lettre, dans laquelle elle dit comment c'est, comment c'est là-haut au ciel."
Cette oeuvre est aussi un reflet de l'art et de la culture à Berlin de la fin des années 1920 au début des années 1930, en même temps, qu'elle raconte la vie de l'artiste.
Après la découverte de son travail, il a fallu le décrypter et en comprendre le sens grâce notamment à certaines pages qui étaient numérotées.
La première exposition des peintures de Charlotte Salomon a eu lieu en 1961, au musée Fodor à Amsterdam. Le but était alors de la faire découvrir en tant qu'artiste au grand public et non en tant que victime de l'holocauste.
Vint ensuite la première édition d'un livre de 80 images, en allemand et en anglais, en 1963, intitulé "journal" (Charlotte Salomon, "Ein Tagebuch in Bildern" 1917-1943)
Pour ma part, je suis comblée avec ce nouvel ouvrage présentant la vie de Charlotte Salomon à travers une sélection de 450 de ses gouaches, c'est exactement le livre qu'il me fallait pour satisfaire mon envie de mieux la connaître après l'avoir découverte il y a deux ans. Alors je dis un grand merci aux éditions Taschen !
La version que je vous présente ici est la version allemande, mais ce livre existe aussi en français !
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Gros coup de coeur