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La maison des livres
29 janvier 2021

Soleil de Cendres - Astrid Monet

Soleil de Cendres

 

  • Titre : Soleil de Cendres
  • Auteure : Astrid Monet
  • Editeur : Agullo
  • Collection : Agullo Fiction
  • Date de parution : 27 août 2020
  • Nombre de pages : 208
  • ISBN : 979-10-95718-81-9

L'auteure

Astrid Monet est née en 1976 à Orléans. A l'âge de 21 ans, elle part s'installer à Berlin où elle travaille comme comédienne pendant une douzaine d'années. Elle remporte de nombreux prix lors de différents concours de nouvelles, et son premier roman A Paris coule la mer du Nord, a reçu un bel accueil en librairie. Soleil de Cendres est sont deuxième roman. Elle vit aujourd'hui à Paris. (Source Editions Agullo)

Astrid Monet

(Clic sur la photo pour accéder au site d'Astrid Monet, dont est extraite cette photo, prise à Berlin)

Quatrième de couverture

Dans une Europe accablée par une chaleur étouffante, Marika, 37 ans, revient à Berlin avec son fils Solal. Ce voyage en Allemagne replonge la jeune Française dans une langue étrangère et un passé douloureux : sept ans plus tôt, à la naissance de Solal, elle a quitté la ville brutalement. Aujourd'hui, elle emmène son enfant rencontrer pour la première fois son père, Thomas. Le lendemain, alors qu'elle doit les retrouver dans un café, Berlin est secouée par un violent tremblement de terre. Marika part alors à la recherche de son fils au milieu des décombres, tandis que la ville tente de se relever après cet effondrement. 

Mes impressions

Quand Marika et Solal arrivent à Berlin, ils sont accueillis par Thomas, le père de Solal. Sept ans. C'est l'âge de Solal. Cela fait sept ans que Marika n'est pas revenue, après son départ précipité, son bébé sous le bras. Les retrouvailles sont maladroites, chacun cherche sa place et ce climat étouffant n'est d'aucune aide. Le trio arrive enfin dans l'appartement de Thomas à l'Est de Berlin, Karl-Marx-Allee, après avoir dû descendre du bus devant la cathédrale, à cause de manifestants pour le climat qui empêchaient tout véhicule de circuler. Marika laisse Solal à son papa et décision est prise de se retrouver le lendemain matin. Une séparation très courte mais angoissante pour l'enfant comme pour la mère, qui précise bien à son fils que "bien évidemment elle ne quittera pas Berlin sans lui, quelle idée !"  

Et puis tout bascule.  

En l'espace d'un week-end, Astrid Monet nous entraîne dans une course folle contre la montre et contre les éléments. Le tremblement de terre qui va de nouveau couper cette ville en deux et la détruire en grande partie survient alors que Solal et son père sont dans le métro. Pendant que Marika les cherche désespérément avec toute la force qu'une mère est capable de déployer pour son enfant, on assiste à la naissance d'une relation tellement forte entre le père et l'enfant. Un huis clos qui m'a profondément émue et qui permettra très probablement à l'enfant de renaître après ce drame. Quelques minutes suspendues, précieuses, qui auront le goût de l'éternité pour cet enfant. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti très fort. 

Ce livre m'a beaucoup marquée et je pense que mon propre rapport à Berlin n'y est pas étranger. J'ai perçu cette histoire, au-delà du fait bien sûr qu'elle décrive si bien cet amour maternel, cette quête toujours au bord de l'abîme, comme un merveilleux hommage à cette ville, dans laquelle l'auteure a vécu 12 ans. J'y ai tout retrouvé. Les descriptions des lieux bien sûr, le Dom, le château presque reconstruit, sur ses propres ruines, là où l'avait un temps remplacé le palais des lumières d'Erich Honecker, la Karl-Marx-Allee, Savigny Platz, Grunewald ... L'ambiance berlinoise est bien là, malgré le chaos. On y rencontre un couple de Berlinois imperturbables à l'accent bien trempé, Alice Kaufmann, la voisine de Thomas et ses fantômes de la DDR.

La quête des personnages dans Berlin assombrie par les cendres a, par moments, des airs de Bataille de Berlin (si bien décrite dans Berlin Finale de Heinz Rein) où il faut parfois désobéir pour sauver sa peau, où certains hommes finissent par perdre la tête et deviennent ultra-violents.

J'y ai vu un hommage à la ville également à travers différents personnages. Marlene Dietrich la plus évidente pour commencer, qui apparaît comme l'Ange Bleu, qui vient sauver cette femme dans une partie un peu fantastique du roman. A plusieurs reprises, il lui est demandé à elle, la Berlinoise qui avait comme elle quitté la ville, de sauver la pauvre Marika, j'ai beaucoup aimé ce clin d'oeil. Quand les enfants errent seuls dans Berlin désertée par les adultes et se retrouvent qui plus est devant un théâtre, j'y ai vu un hommage à Erich Kästner et son Emile et les détectives. Quand Marisa fait un plongeon dans la Spree, j'y ai vu une peinture de Charlotte Salomon, intitulée Franziska, sur laquelle elle représente la mort de sa mère. 

Franziska

Franziska, Leben ? oder Theater ? Charlotte Salomon.

p.113 "Le vacarme de la rue est loin, oublié, et le bruit dans l'eau danse, presque apaisant. Marika coule, prisonnière, les voix lointaines du souvenir ressurgissent comme des nymphes blanches. Leurs vibrations perceptibles zigzaguent jusqu'à elle. "

Un très beau roman, l'histoire d'une destruction et d'une reconstruction simultanées, l'amour indéfectible d'une mère pour son enfant, le tout dans un décor qui ne laisse pas indifférent, mais aussi dans une atmosphère étouffante, qui pourrait bien être notre atmosphère d'ici très peu de temps malheureusement. J'ai lu ce roman il y a dejà quelques mois et j'y pense encore souvent. 

***

Gros coup de coeur 

p.57 "Marika écoute, comme une nomade dans le désert, assoiffée après des années de marche et d'exil, elle elle boit les mots allemands."

***

p.64 "Les réverbères éclairent mollement la rue, le parfum suave des fleurs se dépose un peu partout, sur les pavés, sur les lèvres. Elle longe le cimetière de la Bergmannstrasse en direction de Südstern. A travers la grille d'entrée, elle devine les tombes, éclairées par des bougies dans des amphores rouges, endormies au milieu d'une nature sauvage, flamboyante. La nature dominante des cimetières berlinois enveloppe la mort d'un romantisme apaisant. Marika s'allume une cigarette et, à la lueur de son briquet, elle cherche sur le panneau d'information du cimetière des noms d'Allemands et d'Allemandes célèbres qui reposeraient ici : Friedrich Hegel, Heinrich Mann, Anna Seghers. Dans les rues sombres de Berlin, elle marche tranquillement vers les bords du canal, le Landvehrkanal."

***

p.82 "Longtemps, il a pris des petits pains aux graines de pavot et au sésame, les filles en raffolaient. Aujourd'hui, et pour la première fois, il petit-déjeune avec son fils.

- Des Schrippen !

Thomas a grandi à Berlin, pas question d'appeler des Brötchen autrement que des Schrippen.

- Combien ?

- Quatre !

D'ailleurs, se dit-il en payant, je vais lui parler avec l'accent berlinois. Marika a dû lui apprendre à parler en Hochdeutsch, hors de question que je lui parle en allemand standard. C'est mon fils, après tout. Sur le trottoir, il s'arrête. Il regarde vers le ciel, concentré, comme s'il écoutait, comme s'il entendait un bruit au loin. Impossible pourtant d'entendre l'explosion du volcan qui se produit au même moment, à plus de six-cents kilomètres."

***

p.97 "Elle croise un homme qui porte un masque antivirus et cherche alors autour d'elle une pharmacie où s'en procurer un, mais rien, elle n'aperçoit aucune enseigne affichant le grand A gothique rouge qui annonce une Apotheke."

NotaLe roman a été écrit avant la pandémie qui nous touche en ce moment. 

***

p.155 "- Vous avez besoin que je vous prête des vêtements ? 

Alice Kaufmann parle à voix basse, elle aussi. Leurs visages sont tout près l'un de l'autre. Marika sent son haleine tiède, un peu rance. 

            - Oui, je veux bien. On doit faire la même taille...

            - Plus maintenant, mais quand j'avais votre âge, oui. Suivez-moi... Vous téléphonerez ensuite. Vous avez quel âge ?

            J'ai trente-sept ans. 

             - C'est ça, j'avais presque votre âge le 9 novembre 1989. Tenez ! Prenez ça, je les ai gardés. 

            - Vous avez gardé les habits que vous portiez le jour de la chute du Mur de Berlin ?

            - Mais non ! Ce sont les premiers que j'ai achetés au Kadewe, à Berlin Ouest, les jours suivants. Ceci dit, celui-là, je devais le porter pendant la manifestation du 4 novembre, à Alexanderplatz. Je n'oublierai jamais quand l'écrivaine Christa Wolf a prononcé son discours."

***

p.166 "Le camion s'arrête devant l'église du Souvenir, près de la gare du Zoo, Zoologischergarten. La pluie cesse en un claquement de doigts, mais l'eau continue de se déverser des trottoirs, coule à toute allure dans les caniveaux. A l'Ouest de la ville, de nombreux bâtiments ont été épargnés par le tremblement de terre. Le symbole Mercedes (installé là pendant la guerre froide) tient toujours en haut de son immeuble."

***

p.191 "Les gamins se rassemblent autour de Solal. La lune pointe peu à peu derrière le voilage gris, elle fait luire les traces de boue, scintille sur les flaques immenses. Les enfants s'envoient de l'eau à grands coups de pied, les giclées tailladent l'obscurité de demi-cercles lumineux et transparents. Les garçons se tordent de rire, hilares, trempés. Ils restent des mômes, des kids, des enfants de moins de dix ans qui jouent dans la rue, qui rêvent d'aventure, de héros, d'être le plus fort, le chef."

 

 

 

 

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Commentaires
A
Merci pour ton avis, je l'avais repéré.
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M
C’est vrai que connaitre ou reconnaitre un lieu dans un roman entraine souvent une empathie immédiate pour celui-ci. Et on le sent irrésistiblement dans ta critique :0). Ce qui n’empêche pas de constater aussi le profond intérêt ressenti sur les liens affectifs... Belle critique.
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N
Je comprends que vous ayez été happée par le roman Cécile, tout y était ! La ville, les citations littéraire, les liens à l'art et à l'histoire... Votre chronique et les extraits donnent envie d'en savoir plus.<br /> <br /> Bon dimanche à vous.
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