Si je reviens un jour... Les lettres retrouvées de LOUISE PIKOVSKY - Stéphanie Trouillard & Thibaut Lambert
- Titre : Si je reviens un jour... Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky
- Auteure : Stéphanie Trouillard
- Illustrateur : Thibaut Lambert
- Editions : Des ronds dans l'O
- Date de parution : 11 mars 2020
- Nombre de pages : 112
- ISBN : 978-2-37418-084-7
L'auteure
Stéphanie Trouillard, journaliste de France 24, a réalisé en 2017 un webdocumentaire en partenariat avec la fondation pour la Mémoire de la Shoah, sur l'histoire de Louise Pikovsky. (regardez-le en suivant ce lien, il est extraordinaire)
A partir des documents de Louise, elle a pu retrouver des témoins, des cousins éloignés et des anciens élèves. Ce travail a rencontré un vif succès et a obtenu de nombreux prix en France et à l'étranger. Il est lauréat 2018 du prix Philippe Chaffanjon. En 2020, elle scénarise et réalise avec Thibaut Lambert aux dessins, une adaptation en bande dessinée. (Source : éditions Des ronds dans l'O.)
L'illustrateur
Influencé par son pays natal la Belgique, Thibaut Lambert et pour ainsi dire né dans une bulle. Tout l'inspire, l'amour, les voyages, la maladie, les rencontres... Après un passage à l'atelier BD de l'Institut Saint Luc à Bruxelles, il enchaîne les petits boulots et réalise son premier album BD : Al Zimmeur, un album pour enfants sur la maladie d'Alzheimer.
Début 2008, lassé par la vie en ville, il lâche boulot et logement pour partir avec sa compagne, un an sur les routes d'Amérique du Sud. Après de nombreuses péripéties, ils reviennent en Europe et posent leurs sacs à dos en Poitou-Charentes. Depuis, Thibaut participe à différents fanzines tout en continuant des projets plus personnels. (Source : Editions des Ronds dans l'O et Blog de Thibaut Lambert.)
(Clic sur l'image pour accéder au blog de Thibaut Lambert)
Présentation de l'éditeur
En 2010, lors d'un déménagement au sein du lycée Jean de la Fontaine, dans le 16e arrondissement de Paris, des lettres et des photographies ont été trouvées dans une vieille armoire. Enfouis là depuis des dizaines d'années, ces documents appartenaient à une ancienne élève, Louise Pikovsky. Plusieurs mois durant, cette jeune lycéenne juive a correspondu avec sa professeure de lettres. Son dernier courrier date du 22 janvier 1944, jour où elle est arrêtée avec sa famille.
Mes impressions
Ce récit est une histoire "comme je les aime". Un hommage, qui naît de l'Histoire, du hasard, et de la persévérance pour ne pas oublier. En 2010, lors d'un déménagement au sein du lycée Jean de La Fontaine dans le 16e arrondissement de Paris, de vieilles lettres sont retrouvées dans une armoire. Pendant encore six ans elles restent là, puis la professeure à l'origine de la trouvaille partant elle-même à la retraite, les confie à une collègue qui va n'avoir de cesse de retrouver l'histoire de ces lettres. Cette dernière demande alors à Stéphanie Trouillard de l'accompagner dans ses recherches. Les lettres ont été écrites par une ancienne élève, la jeune Louise Pikovsky, alors âgée de 16 ans. Elles étaient adressées à une certaine Mademoiselle Malingrey, professeure de latin-grec au lycée Jean de La Fontaine. Cette dernière avait elle-même remis les lettres au lycée lors de la cérémonie du 50ème anniversaire de l'établissement en 1988.
Au début de la bande dessinée, on retrouve Mademoiselle Malingrey chez elle à Paris dans les années 1980, partageant un thé entourée de quelques unes de ses anciennes élèves, avec qui elle a toujours gardé le contact. Nous sommes juste avant la fête qui célèbrera les 50 ans du lycée. Mademoiselle Malingrey montre alors aux anciennes camarades de Louise les lettres, qu'elle a conservées tout ce temps-là, dans le cartable de la jeune fille, et qu'elle s'apprête à donner au lycée pour qu'on ne l'oublie jamais. Nous remontons ensuite le temps, sur les traces de Louise et de sa famille, à Boulogne où ils habitaient et à Paris, pour vivre avec eux les différentes étapes qui conduiront à la déportation de toute la famille. La montée du nazisme, le père de Louise d'origine russe, qui a dejà fui la Russie en 1905, l'étoile jaune, Drancy ... Et la fin de l'histoire, malheureusement nous la connaissons.
Au fil des pages nous apprenons à connaître Louise à travers ses lettres et aussi à la lueur de témoignages de cousins et cousines, d'amies retrouvées qui se souviennent. Ce qui est frappant quand on lit les textes de cette presqu'enfant encore, c'est sa grande maturité et la résilience dont elle s'arme déjà.
p.24 "Je comprends maintenant ce texte latin que j'ai traduit en 5ème et dont je ne me rappelle plus que ceci... "Un homme ayant perdu ses biens, dont les filles ont été emmenées en esclavage, et qui dit ... On ne m'a pas pris ma richesse ... Car ma richesse est en moi."
La famille, malgré l'inquiétude, reste confiante et refuse l'idée d'une quelconque séparation quand Louise évoque l'invitation de Mademoiselle Malingrey à venir se cacher chez elle.
p.51 "Tu la remercieras, mais il est hors de question de se séparer. Nous serons plus en sécurité si nous restons ensemble." (le père de Louise)
" Papa a raison. Nous sommes français. Il ne peut rien nous arriver."
Toute cette histoire et les circonstances qui font que nous parlons de Louise Pikovsky aujourd'hui sont terriblement émouvantes. Cette famille unie au point de ne pas vouloir se séparer est très touchante. Et puis la dernière lettre de Louise, déposée précipitamment, qui dit :
Quelle émotion.
Cet ouvrage, très bien documenté, est le fruit de longues et rigoureuses recherches, l'aboutissement de ce que Louise, puis Mademoiselle Malingrey auraient souhaité. En cela il est bouleversant. Et puis il est un nouveau témoignage, indispensable, pour que l'on n'oublie pas.
Mademoiselle Malingrey a fait don, accompagnée de ses anciennes élèves, d'une photo de Louise au Mémorial de la Shoah à Paris. Les noms de toute la famille Pikovsky figurent sur le Mur des Noms.
J'ai été très touchée par cette lecture, fruit de nombreuses recherches qui ont mené à la mise en lumière d'une jeune fille restée trop longtemps dans l'ombre. Louise Pikovsky, Anne Frank, Simone Veil, avaient à peu près le même âge. Que seraient devenues les deux premières si elles étaient revenues ?
Ce témoignage est très simplement et justement illustré par Thibaut Lambert, ce qui lui donne une fraîcheur offrant un juste contrepoids à la lourdeur du sujet et qui en fait un ouvrage que l'ont peut aisément conseiller aux enfants dès 10 ans.
A la fin de la BD se trouvent des photos de toutes les lettres de Louise, une chronologie de l'histoire de la famille, puis des photos, que des cousins et amis retrouvés avaient conservées. Les illustrations de Thibaut Lambert sont très fidèles aux photos dont il s'est inspiré. La photo de classe qui accompagnait les lettres y figure elle aussi. Et puis en toute fin d'ouvrage, un glossaire, une carte de l'itinéraire de la famille Pikovsky et un QR code permettant d'accéder au webdocumentaire.
Un ouvrage très complet que je conseille vivement. Je n'ai pu m'empêcher de penser en lisant ce livre, aux nombreuses Stolpersteine que je rencontrais lors de mes balades berlinoises. Il y en avait plus de 60 dans ma petite rue. Je me dis que la famille Pikovsky mériterait bien ses Stolpersteine... pour que chaque passant devant leur ancien domicile sache, ait une pensée pour eux.
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Gros coup de coeur