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La maison des livres
15 octobre 2020

Retour à Birkenau - Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri

Retour à Birkenau

 

  • Titre : Retour à Birkenau
  • Auteur : Ginette Kolinka et Marion Ruggieri
  • Editions : Grasset
  • Date de parution : 9 mai 2019
  • Nombre de pages : 112
  • ISBN : 978-2-246-82070-3

 

Les auteures

Ginette Kolinka, née le 4 février 1925 à Paris, est la sixième fille de Léon et Berthe Cherkasky. Après elle, naîtra un septième enfant, son petit frère Gilbert. Gilbert a 12 ans quand il est déporté avec sa soeur Ginette, 19 ans, leur neveu Jojo et leur père Léon en mars 1944, suite à une dénonciation. Auparavant, afin de se mettre à l'abri, la famille aura passé la ligne de démarcation, non sans encombre, pour s'installer en Avignon. Mais cela n'aura pas suffi. Après un séjour aux Baumettes à Marseille, ils sont internés à Drancy puis déportés vers Auschwitz par le convoi 71. Ginette, matricule 78599, sera la seule de la famille à revenir, en mai 1945. Elle gardera alors le silence pendant de nombreuses années sur ce qu'elle a vécu. Là-bas, elle était avec Simone Veil et Marceline Loridan-Ivens, elles sont ensuite toujours restées en contact. Depuis une vingtaine d'années, Ginette Kolinka témoigne auprès des jeunes générations dans les collèges et lycées. Elle les accompagne régulièrement à Auschwitz.

Ginette Kolinka

Marion Ruggieri, journaliste et romancière, l'a accompagnée dans l'écriture de ce récit inoubliable.

Marion Ruggieri

Quatrième de couverture

"Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..."

Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit frère et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Berger-Belsen, Raguhn et Theresienstadt. Dans ce convoi se trouvent deux jeunes filles dont elle deviendra l'amie, Simone Jacob et Marceline Rosenberg, plus tard Simone Veil et Marceline Loridan-Ivens. Ginette Kolinka raconte ce qu'elle a vu et connu dans les camps d'extermination. Les coups, la faim, le froid. La haine. Le corps et la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. La robe que lui offrit Simone et qui la sauva.

Aujourd'hui, à 94 ans, dans toutes les classes de France et à Birkenau, où elle retourne plusieurs fois par an avec des élèves, Ginette Kolinka se souvient en fermant les yeux et se demande encore comment elle a pu survivre à "ça".

Mes impressions

Un témoignage hors du commun, emprunt de sincérité et de discrétion, qui en font un témoignage fort. Ginette Kolinka raconte simplement son expérience de l'horreur, étonnée elle-même d'y avoir survécu. Elle y raconte son "retour à Birkenau", elle qui avait enfoui tous les souvenirs, certaine de ne jamais en reparler. 

"Lorsque je suis rentrée à la maison, ça défilait : tout le monde voulait me voir mais personne ne me demandait comment j'allais, ce que j'avais traversé, ils venaient voir la déportée. Chacun avec un médecin extraordinaire à conseiller. Et la boulangère avec une brioche. 

Je me souvenais de ma mère qui nous racontait sans cesse, quand on était petits, la guerre de 14, la grosse Bertha sur Paris. Le bruit terrifiant, les vitres brisées... Qu'est-ce qu'elle a pu nous casser les pieds.

Moi je n'ai jamais rien dit, pas même à mon mari.

Je n'ai jamais dit à mon fils ou à l'un de mes petits-enfants : "Mange ! Si tu avais été où j'ai été... !"

Puis il y a le film de Steven Spielberg La Liste de Schindler, et un peu plus tard l'Union des déportés d'Auschwitz, dont Ginette pousse la porte en 2000.  

"D'instinct, je décline. Je suis complexée, assez timide, je n'ai pas fait d'études... Que puis-je bien leur raconter, à ces élèves ? Comme j'ai coutume de le dire, j'ai deux bacs, mais dans la cuisine. Je ne vais pas dans les musées, peu au cinéma, encore moins au théâtre... Je n'ai pas de conversation spéciale. C'est non."

Ce premier retour à Birkenau, hasard d'un remplacement, sera l'élément déclencheur de l'urgence du témoignage. Dès lors, Ginette n'aura de cesse de raconter encore et encore, dans les collèges et les lycées, en accompagnant régulièrement les jeunes à Auschwitz et à Birkenau.

"Je ne suis pas retournée à Birkenau depuis cinquante-cinq ans. Pour autant, le souvenir que j'en conserve est très précis. Quand j'arrive, c'est un choc : "Ah mais non !" je m'écrie, "Ce n'est pas ça !" Moi, j'imagine l'odeur, j'imagine la saleté, j'imagine les gens qui grouillent. Tout en sachant que ce n'est pas possible. Mais pour moi, c'est ça. C'est ce camp-là que je vois. Et je suis malheureuse, inquiète, de penser que les visiteurs qui viennent ici, seuls ou sans guide, puissent s'imaginer... Comment voulez-vous voir la fumée, les cris, les bousculades ? Ces dizaines de milliers de gens qui travaillent, qui courent, qui tombent ? Plus rien de tout ça. Les allées sont bien propres, bien nettes, ils ont mis des gravillons, un tapis en caoutchouc pour que personne ne soit dans la boue. De toute façon, il n'y a plus de boue."

Ce témoignage, poignant mais néanmoins tourné vers l'avenir et la vie, est à l'image de Ginette Kolinka. Simple, direct, efficace. Nécessaire et urgent, encore plus aujourd'hui. Ce qui m'a frappée dans ce témoignage-là, c'est l'accueil qui a été réservé à Ginette à son retour. De la part de sa famille, mais aussi de la part de la population française. On ne voulait pas entendre. On ne voulait pas savoir. L'ambiance était à la fête, à la renaissance, les témoignages viendraient après... Bien plus tard. Et Ginette a pensé, comme beaucoup, qu'elle était revenue et que c'était déjà bien. Il lui aura fallu cinquante ans pour commencer à raconter.

Ginette Kolinka a 95 ans et continue de raconter. J'espère très fort avoir un jour la chance de la rencontrer.

Un petit livre à lire, à relire et puis à transmettre. 

*****

Ginette Kolinka, invitée de France Inter en mai 2019.

 

Lectures associées sur le blog : 

Une famille française dans l'histoire (Ginette Kolinka et Philippe Dana, éditions Kero, 2016)

Une vie (Simone Veil, Le livre de poche, 2015 - Stock 2007)

Simone, éternelle rebelle (Sarah Briand, éditions Fayard, 2015)

Et tu n'es pas revenu (Marceline Loridan-Ivens et Judith Perrignon, éditions Grasset, 2015)

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Commentaires
A
Une femme infatigable, et c'est tant mieux.
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M
Un témoignage à mettre entre toutes les mains, je l'ai écoutée dans une émission de radio il y a deux ou trois ans, je ne sais plus, j'étais bouleversée, mais très attentive à son récit, à son émotion.<br /> <br /> Belle soirée Cécile, bises.
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P
C'est toujours très intéressant, ce genre de livres...
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N
Ce doit être si émouvant d'entendre un témoin de l'histoire.... Et précieux aussi. Merci pour la découverte de ce livre, Cécile.
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