Toutes ces grandes questions sans réponse - Douglas Kennedy
- Titre : Toutes ces grandes questions sans réponse
- Auteur : Douglas Kennedy
- Traduction : Bernard Cohen
- Editions : Belfond
- Date de parution : 1er octobre 2016
- Nombre de pages : 250
- ISBN : 978-2-7144-4956-6
Douglas Kennedy est né à New York en 1955. Il a grandi là-bas, puis est parti en Europe (Dublin, puis Londres). En 1994, sort son premier roman, Cul-de-sac (Gallimard – Série Noire, 1998), réédité dans une nouvelle traduction sous le titre Piège nuptial (Belfond, 2008 ; Pocket, 2009). Son deuxième roman, L'homme qui voulait vivre sa vie (Belfond, 1998, 2005 et 2010 ; Pocket, 1999) connaît un succès international.
Divorcé et père de deux adolescents, Max et Amelia, Douglas Kennedy vit entre Londres, Paris, Berlin et les États-Unis.
(Clic sur la photo pour accéder au site officiel de Douglas Kennedy)
Quatrième de couverture
Le bonheur n'est-il qu'un instant fugace?
Sommes-nous les victimes ou les artisans de notre infortune?
Pourquoi le pardon est-il (hélas!) l'unique solution?
Ce sont là quelques-unes des grandes questions que pose Douglas Kennedy dans un livre témoignage, à mi-chemin entre confessions et essai littéraire, un véritable manuel d'art de vivre dans lequel il se dévoile comme jamais.
Une lecture vivifiante d'une formidable érudition, touchante et drôle, fourmillante d'anecdotes, nourrie d'expériences personnelles tantôt dramatiques, tantôt comiques.
Une oeuvre à part où l'on apprend que la tragédie serait le prix à payer pour être de ce monde et que, dans la vie comme dans le patin à glace, l'important est d'avancer...
Et qu'on a tous quelque chose en nous de Kennedy.
Mes impressions
Avec cette dernière parution, Douglas Kennedy nous propose quelque chose de bien différent de ce à quoi il nous avait habitués. Ayant eu l'occasion et le grand plaisir de rencontrer l'auteur (dont j'apprécie par dessus tout l'humanité) et d'apprécier déjà plusieurs de ses romans, j'étais très curieuse de découvrir ce nouvel opus et je remercie les éditions Belfond de m'en avoir donné l'occasion.
Entre réflexion et confession, Douglas Kennedy nous offre avec ce livre quelque chose de particulier. J'ai souvent été très émue, voire bouleversée. Je reste sans voix devant une telle honnêteté intellectuelle, une telle érudition, et une telle persévérance pour avancer coûte que coûte dans la vie.
Tout au long de l'ouvrage, l'auteur tente d'apporter des réponses aux questions qu'il se pose sur la vie et que forcément nous nous posons aussi. En fait, il n'apporte aucune réponse, il donne un éclairage, qui lui est propre, mais dans lequel souvent le lecteur peut se retrouver.
Outre le fait que l'auteur se met à nu dans cet ouvrage, j'ai beaucoup aimé les différentes approches utilisées, de l'anecdote à l'événement plus dramatique, les références musicales et littéraires (j'ai appris beaucoup!).
Ce fut donc un délicieux moment de lecture, je suis comme perdue depuis que j'ai refermé ce livre.
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Gros coup de coeur
N'hésitez pas à aller faire un petit tour sur le site des éditions Belfond, vous pourrez y visionner quelques interviews de Douglas Kennedy au sujet de ce livre, je le trouve passionnant.
Voici également un lien vers le Requiem allemand de Brahms, version d'Otto Klemperer. (à écouter en lisant les extraits pour celles/ceux qui le souhaitent ;-))
J'ai encore une fois consigné pas mal d'extraits ici, c'est qu'ils m'ont parlé, je voulais donc en garder une trace...
- LE BONHEUR N'EST-IL QU'UN INSTANT FUGACE?
p.22 "j'ai toujours été convaincu que si nous lisons, c'est avant tout parce que nous éprouvons le besoin de vérifier que nous ne sommes pas seuls."
p.37 "C'est ainsi que j'en suis arrivé à considérer ma propre histoire, qui, à l'instar de tout un chacun, avait été forgée par la conjonction de l'imprévu et de la routine, de l'exceptionnel et du banal, des coups durs et des coups de chance, comme une succession de questions ouvertes auxquelles je risquais fort peu d'obtenir de vraies réponses."
- SOMMES-NOUS LES VICTIMES OU LES ARTISANS DE NOTRE INFORTUNE?
p.74 " Nous ne sommes jamais responsables du bonheur d'autrui. [...] Certes, il ne fait aucun doute qu'un père ou une mère a la responsabilité de procurer du bonheur à ses enfants dans la première phase de leur vie, mais il arrive un moment - habituellement au milieu de leur adolescence, et peut-être encore plus tôt que cela - où l'on s'aperçoit qu'eux aussi vont devoir s'engager dans la course d'obstacles, en apprenant chaque fois de leurs erreurs, et que leur propre histoire sera également truffée de déceptions, de peines de coeur, d'aspirations laissées inaccomplies, autant de leçons administrées par une existence souvent mesquine. Une fois qu'ils sont parvenus à ce stade, on peut certes tenter de les conseiller et de les guider, mais il faudra qu'ils prennent en main leur destinée, leur propre capacité au bonheur. Notre faculté à saisir les heureux hasards est aussi personnelle et singulière que nos empreintes digitales."
p.94 "...l'ennui est une plaie universelle, ce qui, à mon sens, semble injustifiable pour peu que l'on ait disposé d'un contexte familial et éducatif favorable. On peut s'ennuyer lors d'une représentation théâtrale ou d'un dîner, pendant les six heures d'un vol transatlantique dont on guette impatiemment la fin, mais s'ennuyer dans sa vie? Se résigner à un emploi ou à une relation amoureuse qui ne nous satisfont plus? Pour moi, c'est affligeant. Et hélas si courant..."
- REECRIVONS-NOUS TOUJOURS L'HISTOIRE POUR LA RENDRE PLUS SUPPORTABLE?
p.122 "...pourquoi avons-nous souvent tendance à réécrire l'histoire? Il s'agit indubitablement de l'un des comportements les plus répandus qui soient : le besoin de réorganiser les événements afin d'en tirer une version qui nous paraisse "supportable".
p.151 (après la perte d'un enfant) "Belle ne s'est jamais résolue à l'insupportable et cependant elle a réussi à trouver une façon d'apprivoiser le deuil, de réinventer une existence après le plus grand des traumatismes. A-t-elle été heureuse? Dans ma mémoire, elle pétille à jamais d'intelligence et d'ironie, sans cesse au bord de sa blessure intérieure, et c'est certainement grâce à sa volonté de se réapproprier son histoire pour être en mesure de continuer à vivre, en dépit de la douleur qui l'a accompagnée pendant quelque soixante-sept ans...Il y a peut-être une leçon à tirer : sans occulter toutes les horreurs que la vie peut nous réserver, il est des "réécritures" qui nous permettent de continuer à fonctionner, d'oser vivre face à la pire adversité.
- LA SPIRITUALITE SE TROUVE-T-ELLE ENTRE LES MAINS DU TOUT-PUISSANT...OU JUSTE AU COIN DE LA RUE?
p.220 " Jamais encore je n'avais aussi clairement perçu que la foi individuelle est avant tout la recherche d'une consolation face à l'assourdissant mutisme des cieux."
p.225 "...quelle que soit la forme qu'elle prend, elle (la foi) est d'abord la quête de réponses aux interrogations qui occupent l'humanité depuis toujours. Comment affronter notre mortalité? Pourquoi notre passage sur terre doit-il s'accompagner de tant de souffrance?"
p.236-237 "De même, on peut trouver Dieu, ou du divin, dans ce chef-d'oeuvre de Bach [Passacaille et fugue en do mineur] que j'ai besoin d'écouter au moins une fois par mois et qui évoque l'infini mystère de la vie avec une puissance toujours accrue pour un homme comme moi, à l'aube de la soixantaine. En me plongeant dans la musique de Bach, pourtant, je ne cherche pas de clé ni de révélation face aux grandes questions métaphysiques qui nous tenaillent. Ce à quoi j'aspire, c'est à une forme d'apaisement et de consolation au milieu des chagrins et des doutes...lesquels, d'après mon expérience, peuvent prendre une tout autre forme au contact d'une oeuvre d'art."
p.265 " Dans le cadre du programme dominical de musique sacrée, le présentateur a annoncé le Requiem allemand de Brahms, la célèbre version d'Otto Klemperer à la tête du Philharmonique de Londres. Il se trouve que Brahms est l'un de mes compositeurs préférés ; son lyrisme mélancolique m'a touché dès l'adolescence. A cette époque, il exprimait puissamment mes propres doutes et ma sensation de grande solitude. Voilà un musicien qui a compris que l'exaltation et le désespoir marchent de pair, et qui a su en outre parfaitement traduire notre besoin de tendresse et de réconfort. Des sentiments que nous éprouvons tous même si nous prétendons le contraire."
p.270 " Rétif à toute doctrine, qu'elle soit religieuse ou athée, je suis néanmoins toujours prêt à contempler le mystère consubstantiel à la condition humaine."
- POURQUOI LE PARDON EST-IL (HELAS!) L'UNIQUE SOLUTION?
p.296 " Je me suis à nouveau observé dans la glace en me disant : Tu as cinquante-cinq ans et il t'a fallu tout ce temps pour comprendre l'un des principes les plus évidents de l'existence : c'est d'abord dans son propre intérêt que l'on pardonne."
p.297 " Le pardon est le parfum que la violette répand sur le talon qui l'a écrasée." bel adage que Mark Twain formulera quelque cent ans après la première des Noces (de Figaro) à Vienne.
p.303 " J'allais lui déballer par le menu tout ce que mon ex m'avait infligé au cours de ce divorce lorsque Ken m'a arrêté en levant la main. Ce qu'il a dit alors m'a profondément bouleversé. En fait, il a cité Confucius, mais une réflexion qui allait bien au-delà des poncifs habituels : "Subir un tort n'est rien, à moins que l'on ne continue à s'en souvenir."
p.313 " Je suis également convaincu que le pardon est une forme d'égoïsme positif."
p.319 " Une fois que nous avons été blessés par autrui, c'est à nous seuls que revient le choix de laisser ou non la blessure s'infecter."