Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La maison des livres
17 mars 2019

BERLIN FINALE - Heinz Rein

Berlin Finale 1

  • Titre : Berlin Finale
  • Auteur : Heinz Rein
  • Traducteur : Brice Germain
  • Editions : Belfond (collection vintage)
  • Date de parution : 20 septembre 2018
  • Nombre de pages : 880
  • ISBN : 978-2-7144-7143-7

L'auteur

Heinz Rein est né à Berlin en 1906. Employé de banque et journaliste sportif dans les années 1920, il voit ses écrits boycottés par le régime nazi dès 1933 pour avoir soutenu les causes socialistes. Et les sanctions ne s'arrêtent pas là : il est rapidement appréhendé par la Gestapo et condamné au travail forcé. 

Après la chute de Hitler, Heinz Rein devient consultant littéraire pour l'administration allemande dans la zone d'occupation soviétique puis auteur free-lance en Allemagne de l'Est. C'est alors qu'il s'attèle à la rédaction de Berlin Finale, son plus grand succès : un roman-somme écrit dans l'urgence, qui deviendra après sa parution en Allemagne dès 1947 l'un des premiers best-sellers post-Seconde Guerre mondiale, s'imposant comme un témoignage historique inestimable. 

A l'aube des années 1950, Heinz Rein rompt avec le Parti socialiste unifié au pouvoir et se réfugie en Allemagne de l'Ouest à Baden-Baden, où il meurt en 1991, peu après la chute du mur de Berlin.

Heinz Rein

Quatrième de couverture

" Nous tenons entre nos mains un témoignage historique absolument unique. " 


Fritz J. Raddatz, essayiste et journaliste 

 

Publié en 1947 en Allemagne, vendu à plus de 100 000 exemplaires, Berlin finale est l'un des premiers best-sellers post-Seconde Guerre mondiale. Une œuvre passionnante, haletante, audacieuse, qui a su, alors que l'Europe se relevait à peine de la guerre, décrire dans toute sa complexité le rapport des Berlinois au nazisme. 
Jusqu'alors inédit en France, un roman-reportage brillant qui nous raconte, à travers les destins d'une poignée de résistants, les derniers jours de Berlin avant sa chute. Un texte majeur, un Vintage événement. 



" Berlin finale est une incroyable redécouverte, à la hauteur du roman de Hans Fallada Seul dans Berlin... Très peu de livres restituent d'une manière aussi cauchemardesque et intense l'enfer qu'a été la fin de la Seconde Guerre mondiale. " 


Frankfurter Allgemeine Zeitung

Mes impressions

Berlin Finale est un roman incroyable, qui raconte la vie dans Berlin, au coeur de la ville, dans ses entrailles, juste avant et pendant la bataille de Berlin, du 14 avril 1945 au 2 mai 1945.

Dans ce récit, Heinz Rein dresse les portraits d'un déserteur, Joachim Lassehn, d'un fervent opposant de la première heure au régime hitlérien, Friedrich Wiegand, et d'un médecin venant en aide à un groupe de résistants, le Dr Walter Böttcher. Tous se retrouvent régulièrement dans le café d'Oskar Klose, am Schlesischen Bahnhof, afin d'organiser leurs actions.

A l'approche des alliés - les Américains vont bientôt franchir l'Elbe à Madgebourg et les Russes l'Oder à Francfort - la vie dans Berlin en ruines, les alertes aux bombardements, l'organisation de la vie dans les abris se transforment en une véritable chasse à l'homme, les résistants traquant les nazis et inversement. 

Ce livre, publié seulement deux ans après la fin de la guerre, est à la fois un roman d'action, une analyse sociologique des Berlinois et des Allemands  dans un moment extrêmement critique de leur histoire, mais aussi un véritable document historique, ne serait-ce que dans les descriptions très détaillées qui sont faites de l'état de la ville en 1945. 

p.66 " Le Dr Böttcher lui répond avec gravité :

          Votre génération, monsieur Lassehn, est dans une situation déplorable. Nous, c'est-à-dire en particulier Wiegand et moi, et aussi notre ami commun Klose, avons très souvent discuté de ce sujet et nous sommes arrivés à la conclusion qu'aucune génération n'avait encore été aussi malheureuse que la vôtre. L'ampleur de son malheur ne se révélera dans toute son horreur qu'après la débâcle, ce qui n'est plus qu'une question de mois. Avec la destruction de ses fondations, le sol se dérobera sous ses pieds et elle chutera dans le vide, elle se retrouvera sans rien et le coeur déçu, elle reconnaîtra la tromperie et la manipulation dont elle a été victime, mais elle reniera aussi les autres idéaux et les nouvelles croyances qui s'offriront à elle, désormais elle ne toisera qu'avec mépris et une profonde méfiance tous ceux qui revendiqueront le pouvoir ou parleront d'idéologie (...)"

***

p.72 " La défaite militaire n'effacera pas aisément ce point de vue, ses effets sur les hommes dureront plus longtemps, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte peu à peu que ce ne sont pas des erreurs stratégiques qui ont provoqué la chute de leur Führer, que la guerre n'était pas une faute, mais que tout le soi-disant mouvement était déjà un crime."

***

p.82 " Dans la Kurfürstenstrasse, il y a une maison qui se différencie des autres. Ce n'est pas un banal immeuble de quatre étages mais un bâtiment prestigieux, il n'a pas d'entrée ordinaire mais un portail (...) Lorsque l'incroyable arriva, lorsqu'un homme des bas-fonds de Vienne se fit nommer chancelier du Reich allemand par le Generalfeldmarschall sénile de la Grande Guerre mondiale, certaines choses changèrent dans cette maison de la Kurfürstenstrasse. Aux gracieuses chaussures de dame ou aux souliers vernis distingués succédèrent les solides bottes hautes et les godillots militaires grossiers (...)

***

p.85 " Le national-socialisme s'était réservé le privilège de produire des synonymes de peur mortelle, la Prinz-Albrecht-Strasse, la Burgstrasse, la Kurfürstenstrasse, la Grosse Hamburger Strasse, toutes les convocations qui émanaient de ces adresses répandaient la crainte et l'effroi, la plupart du temps, en effet, être accusé équivalait à être condamné à un emprisonnement en camp de concentration, et être témoin à être complice."

***

p.189 " Et maintenant Lassehn traverse avec eux la Kleiststrasse. Pas une maison n'est intacte, il n'y a que des ruines calcinées de part et d'autre et les rues transversales sont bloquées par des décombres. Ils empruntent d'abord la promenade puis, là où le métro monte vers la station aérienne de Nollendorfplatz, le remblai. Cela fait longtemps que les Berlionois se sont habitués à marcher sur les remblais, non seulement les trorroirs sont souvent rendus impraticables par les décombres et les gravats, mais c'est surtout moins dangereux, il n'est pas rare en effet que des murs encore debout s'écroulent brusquement sur les passants. "

 

Même si j'ai trouvé par moments la lecture de ce roman fastidieuse (880 pages), et malgré quelques "invraisemblances" comme par exemple lorsque s'engagent de grandes discussions politiques dans un abri alors que chacun devrait craindre pour sa survie, j'ai trouvé très intéressantes les réflexions qui y sont menées sur la société, sur les relations humaines dans une ville-fantôme où chaque rencontre pouvait être la dernière. Il est peu courant de "revivre" la bataille de Berlin de l'intérieur comme dans ce roman, qui a d'ailleurs à juste titre été comparé à Seul dans Berlin de Hans Fallada, même si ce dernier décrit la vie et l'action d'un couple de résistants dans Berlin pendant la guerre et non au moment de la bataille de Berlin.  

Plus on avance dans la lecture plus l'étau se resserre, les poches de résistance doivent se méfier des SS ainsi que des civils enrôlés dans le Volksturm, à la botte des nazis, prêts à tuer père et mère pour cette cause qui peu à peu leur échappe. Ils sont de plus en plus hargneux à mesure qu'ils réalisent qu'ils ont été trompés par leur Führer. Ce Führer qui, depuis son bunker leur ment encore et toujours, leur intime l'ordre ultime de se battre jusqu'à la dernière minute, leur ment encore en leur disant pour les faire tenir, que Berlin résistera parce que des troupes ont été appelées en renfort depuis l'extérieur et que leur arrivée est imminente, alors qu'il n'en est rien. Dans le roman, de temps à autre, des coupures de journaux d'époque sont insérées, jusqu'à la fin, comme par exemple la dernière parution du journal "Der Angriff", du 24 avril 1945, p.682

Le Führer dirige la défense de la capitale du Reich

La défense de la capitale du Reich est dirigée par le Führer, qui a décidé, au milieu des habitants de Berlin, de mener à bien la mission de sauver la capitale du Reich. Le Führer est tenu informé heure par heure de la situation sur toutes les lignes de combat à Berlin et dans les environs. Il donne lui-même des ordres sur tous les points sensibles.(...)

C'est une peur panique qui s'installe avec l'entrée des Russes dans Berlin, exposant les habitants à des situations d'extrême violence. Les nazis procédaient à des pendaisons sommaires, à des exécutions sur-le-champ pour quiconque baisserait les bras et refuserait de défendre sa ville, son quartier, sa rue... Ces scènes terribles nous laissent imaginer l'atmosphère qui devait régner à Berlin, dans les dernières heures de la bataille. Les civils n'auront à aucun moment été épargnés. Et dans le même temps, l'auteur met le peuple allemand face à ses propres contradictions, remet en cause son obéissance aveugle et irréfléchie. 

p.194 " Les voilà arrivés au Potsdamer Brücke, là aussi tout n'est que décombres, maisons en ruines et taupinières, mais c'est déjà une destruction ordonnée et rangée, pour ainsi dire, les gravats ne s'étalent pas sur les trottoirs, ils ont été rassemblés à l'intérieur des ruines ; dans les trous des façades calcinées, les briques taillées sont empilées avec soin, des affiches et des panneaux signalent les nouvelles adresses des usines et des sociétés détruites, des inscriptions à la craie à moitié effritées annoncent : "Tout le monde est en vie" ou : "Nous sommes encore vivants", il y a un annuaire de Berlin de 1945, annoté : "Otto Schultz, chez Pfeiffer, au 74, Hauptstr. " (celui-là souhaitait rester dans le quartier), ou : "Famille Baensch, 26, Summterstr., à Basdorf" (ils ont préféré quitter Berlin), on trouve aussi des messages fraîchement écrits à la peinture à l'huile blanche : "Nos murs peuvent se briser, nos coeurs, jamais", ou : "Führer, nous te suivons", ou encore : "Nous ne capitulerons jamais ! "

Voilà par exemple ce que l'auteur fait dire au personnage de Klose : 

p.216 " Ferme-la un peu Joachim, tu es peut-être un bon musicien mais à part ça tu es un gars sacrément stupide. Ne m'en veux pas, mon garçon, si je te sors ça sans prendre de gants, mais je dis les choses comme elles me viennent. Je veux dire que tu souffres du mal héréditaire des Allemands : ce sont de bons musiciens et d'excellents comptables, des ingénieurs chevronnés et des balayeurs appliqués, de fins connaisseurs des cultures de toutes les époques, et ils savent tout sur les choses les plus compliquées possibles, ils sont de manière générale extraordinairement habiles et appliqués, avides de savoir et doués, mais... Oui, c'est là qu'il y a un grand "mais",  mon garçon... Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, le musicien, pas au-delà de son piano, le balayeur, pas au-delà de son balai, le comptable...

En effet, nous, les Allemands, ne sommes pas une partie de ce monde, le monde est construit autour de nous, en complément de nous, comme un accessoir imparfait. Les autres ne sont que des dilettantes et des amateurs, ça a été martelé si longtemps et sur tous les tons dans la cervelle des Allemands qu'ils le croient sans réserve et se transmettent cette conviction de génération en génération. "

Ce livre, très bien documenté, ayant été écrit juste après la guerre, je l'ai lu, 80 ans après sa parution en Allemagne, comme un témoignage, comme un document historique, plus que comme un roman, même si par moments il comporte aussi de belles scènes de suspense. Il était intéressant d'être à Berlin pour le lire, surtout lors des passages qui décrivent la ville. Les réseaux de S-Bahn (RER) et U-Bahn (métro), qui étaient déjà là, n'ont pas changé, les rues ont souvent les mêmes noms, il était alors facile de s'imaginer à quels endroits se trouvaient les protagonistes. Désormais quand je penserai à la bataille de Berlin, je n'y penserai plus de la même façon, c'est certain. L'analyse que l'auteur fait de la société allemande, du nazisme, est assez impressionnante quand on sait que le livre a dû être écrit dans l'année qui a suivi la fin de la guerre. Merci aux éditions Belfond pour cette lecture très instructive, et pour cette belle collection "Belfond Vintage" qui édite des romans jusqu'ici inédits en français, ou bien oubliés, introuvables. Et une mention spéciale au traducteur, qui par son travail de qualité, permet une lecture très fluide de cet ouvrage imposant. 

*****

 

2019-02-27 13

La bataille de Berlin a laissé des traces encore bien visibles aujourd'hui comme sur ce bunker situé non loin de la Friedrichstrasse.

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Une bonne idée que cette ré-édition.
Répondre
M
Une belle remise en question des Allemands à travers les mots de cet auteur, il fallait oser ! Et un livre qui, fort à propos, rappelle celui de Hans Fallada que j’avais lu avec beaucoup d’intérêt. Je note celui-ci pour une prochaine lecture. Merci Cecile !
Répondre
N
J'ai vu qu'il y avait un Friedrich, décidément ;-)<br /> <br /> Quelle analyse vous avez faite, Cécile ! Ce roman-témoignage semble être une mine d'information sur cette période si noire de l'histoire allemande...<br /> <br /> Belle soirée à vous !
Répondre
Publicité
La maison des livres
Newsletter
La maison des livres
  • Depuis plus de 10 ans, j'ai pour habitude de noter mes impressions sur chacun des livres que je lis. J'aimerais maintenant partager avec d'autres mes lectures, pouvoir en discuter, glaner des idées et pourquoi pas, donner des envies!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives
Visiteurs
Depuis la création 149 008
Publicité