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La maison des livres
3 août 2020

Le roman de Molly N. - Sophie Carquain

Le roman de Molly N

  • Titre : Le roman de Molly N. D'après une histoire vraie
  • Auteure : Sophie Carquain
  • Editions : Charleston
  • Date de parution : 14 janvier 2020
  • Nombre de pages : 416
  • ISBN : 978-2-36812-502-1

L'auteure

Sophie Carquain

Sophie Carquain, écrivain et journaliste, a publié plus de 20 livres, dont Trois filles et leurs mères, aux éditions Charleston et Manger dans ta main, aux éditions Albin Michel. Elle écrit aussi beaucoup pour les enfants (J'aimerais te parler d'elles, Albin Michel jeunesse, Coronavirus,quel minus ! Leduc, à paraître en septembre 2020). Elle est également scénariste (Simone de Beauvoir, une jeune fille qui dérange, Marabulles)

 

Quatrième de couverture

Pour ses amis et sa famille, Molly N. a disparu en septembre 2010. Plus aucun signe d'elle. Menacée de mort par une fatwa suite à un concours de caricatures du prophète Mahomet, la cartoonist de Seattle a dû intégrer le programme de protection de témoins du FBI, changer de ville, de nom, d'identité.

Comment renaître à l'autre bout du monde ? Comment vivre sous haute protection ?

Cela fera bientôt dix ans qu'elle a disparu.

Fascinée par cette histoire, dont elle entend parler le 7 janvier 2015, jour de l'attentat contre Charlie Hebdo, Sophie Carquain décide d'en faire un roman : 

"Il m'a fallu affronter une situation inédite : écrire le destin d'une femme qui vit encore mais n'existe plus sous son vrai nom. Ce livre est aussi le récit d'une enquête qui m'a menée plus loin que prévu - vers un secret familial." 

 

Mes impressions

  

Ce roman, il semble être apparu à Sophie Carquain comme une mission à accomplir. Elle découvre par hasard Molly le jour des attentats contre Charlie Hebdo. Ensuite des signes reviennent qui l'interpellent et puis une évidence, une quête. L'histoire, pour nous, commence en avril 2010. On fait alors la connaissance de Molly Norris, caricaturiste, dans son environnement, la ville de Seattle. Elle y vit avec sa fille Grace, adolescente rebelle, et sa chienne Rachel, qu'elle balade souvent au parc Volunteer. Molly Norris mène une vie normale, travaille pour un journal, essaie tant bien que mal de gérer ses relations avec sa fille, jusqu'au jour où croyant pourtant bien faire, elle commet l'irréparable. Suite à l'épisode de South Park elle décide de riposter et de lancer le "Everybody Draw Mohammed Day" challenge, le 20 mai 2010. A partir de là, elle ne maîtrise plus rien. La rumeur enfle sur le net, on s'empare de son idée en la détournant, son entourage professionnel lui tourne le dos, ne la retient pas... tout va très vite... en quelques jours son dessin devient viral, au bout de quelques mois il lui faut disparaître, "mourir" pour sauver sa peau car elle est menacée par une fatwa. Ca c'est la vraie histoire de Molly Norris.

"Le FBI, en accord avec la présidence des Etats-Unis, oui, Barack Obama, lui propose d'intégrer le programme Witness Security ; de changer de nom, d'identité, de métier, de pays, de tout quitter, de disparaître. (...) Vous ne pourrez plus, lui dit-il, faire un pas devant l'autre sans six officiers de sécurité, vous ne pourrez plus travailler nulle part, tout le monde vous fuira de peur de prendre une bombe en plein coeur. Vous serez bloquée dans votre safety room, tremblant à chaque bruit, que dis-je, les bruits n'existeront plus, il n'y aura que des déflagrations, et le moindre gazouillis d'oiseau sera, comme par un prote-voix maléfique, transformé en un vacarme assourdissant.

La méfiance va vous ronger de l'intérieur. Vous en perdrez le sommeil, et nous avons toutes les raisons de penser qu'ils arriveront à leurs fins. Vous vivrez avec une escouade d'agents de sécutité, deux chauffeurs et deux voitures au cas où l'une tomberait en panne. Vous ne pourrez plus jamais aller aux toilettes seule." (p.134)

Molly n'a donc pas le choix, elle est piégée. Il lui faut se décider pour une ville, Paris, Bruxelles, Rome ou Sydney, oublier ses amis et sa famille,seule sa fille partira avec elle. Nouvelles identités, nouvelle vie, mourir pour survivre.

"Tapie en elle, l'incrédulité - comme un animal assoupi - se réveillait d'un bond parfois au beau milieu de la nuit, souvent en pleine journée : "Hey Molly ! Debout ! Tu peux reprendre une activité normale. C'était une blague." Il lui fallait alors deux longues secondes pour réaliser qu'il n'y avai pas de quoi rire. L'agent fédéral avait poursuivi son monologue. Elle avait dès aujourd'hui un nouveau nom : mêmes initiales, phonétique proche de son nom de baptême. Par sécurité." (p.156)

C'est à Paris qu'elle ira se cacher. Commence alors la deuxième partie, dans laquelle on suit Molly dans sa disparition, puis la nouvelle Molly dans sa lente, très lente "construction".  L'auteure nous emporte avec elle dans cette course folle, la traque, le confinement, puis la nouvelle vie. Tout y est si bien exprimé. J'ai eu l'impression d'être embarquée dans l'histoire, témoin de cette fuite, de cette impuissance face à la perte de toute une vie. Mourir tout en étant vivante. Terrible situation, états d'âme contradictoires, voie souvent sans issue, se faire de nouveaux amis mais ne rien leur dire, tout contrôler mais avoir l'air normal, vivre mais dépérir, ne pas trop penser mais toujours réfléchir plus vite que son ombre. Faire preuve de résilience. Cette vie harassante, c'est celle de la nouvelle Molly et de sa fille. Alors bien sûr, il y aura des peurs panique, des imprudences, quelques joies tout de même, nouveaux petits bonheurs, mais toujours sous contrôle, puis la fuite à nouveau... la fuite perpétuelle.

Tour à tour le lecteur suit le roman de Molly et l'histoire de la construction du livre. Et je crois que c'est ce que j'ai le plus aimé. J'ai aimé ces allers-retours entre l'histoire de Molly et les réflexions de l'auteure. J'ai aimé cette quête, cette obsession de Sophie Carquain qui au fil de ma lecture devenait aussi la mienne. C'est simple, j'ai lu ce livre il y a maintenant quatre mois, et je pense encore souvent à Molly. Où est-elle vraiment ? Lira-t-elle un jour ce livre ? Sophie Carquain aura-t-elle un jour le bonheur de croiser sa route ? Un livre qui questionne, qui remue et qui soulève bien d'autres réflexions encore. Un gros coup de coeur pour moi. 

*****

Gros coup de coeur

 

p.197 "J'ai essayé d'oublier Molly pendant deux ans. Un autre sujet m'appelait - l'histoire d'une mère qui ne parvient pas à faire le deuil de sa fille, disparue dans un crash aérien. Une autre histoire de fantôme qui sera publiée sous le titre Manger dans ta main chez Albin Michel. Molly était repartie dans les limbes. J'ai entamé l'écriture d'un autre roman, qui évoque également la disparition d'un jeune homme mort-vivant... jusqu'au jour où une amie me parle de sa fille, partie en séjour linguistique à Seattle.

   Et c'est ainsi que Molly s'est rappelée à moi - discrètement. C'est ainsi qu'elle a franchi à nouveau les cercles de l'oubli, l'un après l'autre, pour ressurgir à ma conscience et m'accaparer tout entière. "

***

p.232 "J'ai beaucoup pensé à Molly quand, il y a quelques mois, à la demande d'un magazine féminin, Version Femina, j'ai travaillé sur "Ces Français venus d'ailleurs". Le projet pour cette enquête était de contacter certaines personnalités qui avaient quitté leur pays pour s'installer en France. Quelle émotion.

Aldo Naouri, le pédiatre Libyen, m'a parlé de son arrivée à Paris, ce sentiment d'abandon et d'étrangeté quand on ne maîtrise pas les codes, et cet irrémédiable sentiment d'exil. "En France je suis Libyen, en Libye je suis français, bref, je suis toujours ailleurs. " Il s'est excusé, la voix brisée, et s'est tu quelques instants. 

L'exil intérieur est une blessure à vif. On ne peut s'y soustraire." 

 

 

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Commentaires
N
Quelle belle idée et quel roman fort ! Je comprends votre coup de cœur... Quant à moi, ce sentiment d'exil entre deux mondes me touche beaucoup...<br /> <br /> Merci pour la découverte et bon week-end, Cécile !
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A
Merci de ta présentation. Un avis enthousiaste que je note.
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M
Une critique très sensible qui vous prend aux tripes ! Partir, tout quitter, perdre ses repères, sa famille, ses amis, sa langue, essayer de construire dans un ailleurs inconnu... je ne peux qu’imagine, à travers les mots, ces lourds bagages à porter. <br /> <br /> Merci pour ce partage.
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  • Depuis plus de 10 ans, j'ai pour habitude de noter mes impressions sur chacun des livres que je lis. J'aimerais maintenant partager avec d'autres mes lectures, pouvoir en discuter, glaner des idées et pourquoi pas, donner des envies!
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