Le sourire du diable - Nancy Guilbert
- Titre : Le sourire du diable
- Auteur : Nancy Guilbert
- Editions : Oskar éditeur (collection "La vie")
- Date de parution : 6 décembre 2018
- Nombre de pages : 177
- ISBN : 979-1-0214-0646-9
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Lecture commune avec Blandine du blog VIVRELIVRE ( son article ) et Pauline du blog Entre Les Pages (son article )
Merci aux éditions Oskar
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Nancy Guilbert est une auteure jeunesse française, elle est maman de trois enfants et vit dans le nord de la France. Elle aime aller très régulièrement au contact de son jeune lectorat - elle est professeur des écoles - et de leurs parents et éducateurs.
Quatrième de couverture
En 1959, Louise, 15 ans, reçoit les lettres de Wolfgang Gerschert, un jeune Allemand qu'elle ne connaît pas. Rapidement, elle comprend que ce dernier sait des choses sur sa famille alors qu'elle ne connaît rien sur son histoire. Elle se décide à interroger Rose, sa mère, avec qui elle entretient des relations conflictuelles. Même si Louise redoute de lever le voile sur ce passé caché, elle veut connaître la vérité.
Un roman où les voix s'entrecroisent et révèlent un secret de famille caché pendant trois générations.
Mes impressions
Le sourire du diable est une histoire qui raconte l'horreur et la barbarie de la guerre et des hommes, mais aussi la vie, la bienveillance et l'espoir, qui finissent toujours par triompher.
Dans ce roman, Nancy Guilbert nous parle d'un drame survenu pendant la seconde guerre mondiale, un drame qui va marquer deux familles sur plusieurs générations. Ainsi l'histoire, tantôt sous forme de récit tantôt sous forme de journal ou de lettres, nous transporte de 1943 à la fin des années 1980, avec un passage dans les années 1960.
Louise, 15 ans en 1959, après avoir reçu une lettre de Berlin, découvre un très lourd secret que sa mère, Rose, a été jusque-là incapable de lui révéler. Elle le fait finalement à sa manière, en lui tendant le journal qu'elle-même rédigeait à 15 ans, pendant la guerre.
La révélation de ce secret, de ce drame, loin d'apaiser les esprits, pousse Louise à fuir sa famille, qu'elle ne reverra pas pendant des années, jusqu'à ce que sa propre fille, Nina, lui pose à son tour des questions sur ses origines. Elle aimerait tellement connaître sa grand-mère...
Nancy Guilbert a un talent fou pour raconter l'indicible avec douceur malgré tout.
Les personnages ont très vite pris vie dans mon imagination et je n'ai pu refermer le livre avant de l'avoir terminé. Secrets de famille, histoires dans l'Histoire, reconstructions, intrigues, psychologie, quelques scènes à Berlin, autant dire que ce roman m'attirait. Le tout parsemé de belles références littéraires et musicales, classiques et plus modernes, allant de Goethe à Victor Hugo, en passant par Rainer Maria Rilke et Alfred de Musset, avec un message de taille, à la fin, sous la forme d'une citation de Johann Wolfgang von Goethe :
" Traitez les gens comme s'ils étaient ce qu'ils pourraient être et vous les aiderez à devenir ce qu'ils sont capables d'être."
Que dire de cette citation, si ce n'est qu'elle invite à une saine réflexion, qu'elle est intemporelle et qu'aujourd'hui encore elle est vraimpent d'actualité ! Je remercie Nancy Guilbert du fond du coeur de mettre en lumière à travers ses écrits des messages de tolérance, de bienveillance, d'empathie. Ce texte, Le sourire du diable, tout en evoquant les horreurs de la guerre, porte un message d'amour. Il est très habilement enveloppé de deux écrits symboliques forts : l'épigraphe, qui est un poème de Victor Hugo intitulé Bêtise de la guerre, et la citation de Goethe ci-dessus.
J'ai aimé aussi dans ce roman la façon dont les relations mère-fille sont abordées, dans leur complexité alors que tout peut parfois paraître si simple. Ces occasions ratées, ces impossibilités de communiquer... c'est un peu comme si l'on découvrait les rouages d'une mésentente qui paraîtrait superficielle à certains, facile à résoudre, alors qu'elle repose sur un drame si terrible. Et puis il y a tout de même cette complicité, cet amour qui finit par triompher. Et "la transmission du meilleur".
Les nombreuses références musicales liées aux différentes époques évoquées dans l'histoire m'ont donné envie de constituer la "playlist" du roman, ce que j'ai fait sur Deezer. (liste ci-dessous)
Le sourire du diable est un très beau livre, bouleversant mais aussi apaisant. Décidément, j'aime la plume sensible de Nancy Guilbert !
Voici quelques photos prises cet après-midi des différents lieux de Berlin évoqués dans ce roman :
L'adresse Leipziger Strasse 36, adresse berlinoise de Wolfgang Gerschert (un salon de coiffure aujourd'hui)
La cathédrale Sainte-Edwige (Sankt Hedwig) évoquée p.135 (près de l'appartement de Friedrich)
Oberwallstrasse, adresse berlinoise de Friedrich. (voyez-vous la tour ? ;-)
Pour terminer, puisque dans ce roman le procès de Nuremberg est également évoqué, deux photos du tribunal de Nuremberg prises à l'automne dernier :
L'extérieur du tribunal
Salle dans laquelle a eu lieu le procès de Nuremberg.
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p.22 "La jeune fille pénètre dans sa chambre. Un petit cahier bleu aux pages un peu jaunies est posé sur le lit. Louise sent son coeur battre. Sa mère a profité de son absence pour venir le déposer ici. Le carnet est couvert d'une écriture fine et soignée. Par endroit, pourtant, l'encre est presque effacée par des taches aux contours flous et salés. C'est un journal. Un journal intime. Et il est signé "Rose". "
p.73 "Elle savait que Louise avait lu son carnet, mais aucune des deux n'a fait un pas vers l'autre. Le mur qui les séparait déjà est devenu une forteresse aux briques épaisses, façonnée avec un mortier où se mêlent la haine, le sang et les mensonges."
p.120 "Soudain, j'ai eu envie d'être près d'elle, de la serrer très fort et de lui dire que non, bien sûr que non, elle n'avait pas le sourire du diable mais le plus joli, le plus doux, le plus gentil des sourires, celui qui me remerciait quand je lui donnais un coup de main, celui qui m'encourageait quand je galérais à jouer mon morceau de violon, celui qu'elle adressait à mon père, lumineux et amoureux."
p.125 "J'ai attendu que la maison s'endorme pour remonter à pas de loup dans le grenier. Je me suis assise en tailleur sur la couverture que j'avais emportée. Par quoi allais-je commencer ? Le journal de Rose m'attirait comme un aimant, et c'est lui que j'ai décidé de prendre en premier."
p.164 "Décidément, que de secrets. C'était pire qu'avec des matriochkas : j'avais l'impression que la dernière poupée n'existait pas : il y en avait toujours une, encore et encore, à l'infini."
Playlist Le sourire du diable :
- Adagio d'Albinoni
- Nina Simone, "Summertime" (George Gershwin)
- Jean-Jacques Goldman, "Je marche seul"
- Opéra "Carmen"
- Dire Straits, "Money for nothing"
- Jive Bunny, "Sing the Mood"
- Kylie Minogue, "The locomotion"
- Irene Cara, "What a feeling"
- John Lennon, "Imagine"
- Jean-Jacques Goldman, "Né en 17 à Leidenstadt"
Autres ouvrages de Nancy Guilbert sur ce blog :
Ma liberté tout en couleurs (avec Sylvie Beaussier)
Deux secondes en moins (avec Marie Colot)