Au revoir là-haut - Pierre Lemaitre
- Titre : Au revoir là-haut
- Auteur : Pierre Lemaitre
- Editions : Albin Michel
- Date de parution : 21 août 2013
- Nombre de pages : 576
- ISBN : 978-2-226-24967-8
L'auteur
Pierre Lemaitre, né le 19 avril 1951 à Paris, est un auteur et scénariste français. Psychologue de formation, il a consacré une grande partie de sa carrière à la formation pour adultes. Il se consacre ensuite à l'écriture, principalement de romans policiers ( Robe de marié, Alex, Sacrifices ) pour lesquels il reçoit de très nombreux prix littéraires. En 2013 il reçoit le prix Goncourt pour Au revoir là-haut. En 2018 il publie la suite, Couleurs de l'incendie. Ses romans sont traduits en plus de trente langues. En 2018, il reçoit pour Au revoir là-haut le César de la meilleure adaptation avec Albert Dupontel.
( photo empruntée aux éditions Albin Michel )
Quatrième de couverture
"Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d'avantages, même après."
Sur les ruines du plus grand carnage du XXème siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts...
Fresque d'une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d'évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l'après-guerre de 14, de l'illusion de l'armistice, de l'Etat qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l'abomination érigée en vertu.
Dans l'atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.
Mes impressions
Quelques années après tout le monde, je découvre ce chef d'oeuvre, récompensé par le Prix Goncourt en 2013, juste avant les quatre années de commémorations des 100 ans de cette terrible guerre. Cette lecture est une lecture commune avec Blandine du blog Vivrelivre. Voici un lien vers sa chronique.
A travers deux survivants, l'auteur nous offre un tableau incroyable de justesse, de la société française après la guerre. Quelle attitude adopter vis à vis des héros? Qui sont les héros? Les morts, ou les vivants? Avec un oeil vif et un style sans pareil, Pierre Lemaître nous entraîne dans les méandres de cette période instable, où chacun doit retrouver sa place.
L'auteur nous prend par la main et nous raconte l'histoire. Le lecteur n'est jamais laissé de côté. Tout commence sur le champ de bataille, avec cette première phrase :
"Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps."
Nous sont alors dressés les portraits des soldats Albert Maillard et Edouard Péricourt, compagnons d'infortune sur le front, à la solde du Lieutenant d'Aulnay-Pradelle. Le tout d'une façon tellement agréable à lire ! Des tournures pleines d'humour pour nous raconter assez froidement qu'Albert Maillard va mourir enterré vivant. Nous assistons alors à cette disparition, comme si nous étions dans le trou avec lui. Puis "miracle", le soldat Péricourt, tombé juste à côté, a compris qu'un des leurs était enfoui ici. Il sait qu'il y a urgence, alors malgré sa blessure à la jambe, qui le fait horriblement souffrir, il va creuser, creuser, sortir Albert puis lui redonner son souffle en s'affalant sur lui. Les deux hommes sont soudés à vie. Pour le meilleur peut-on penser. C'est alors qu'arrive sur Edouard un éclat d'obus qui va le défigurer. Ces deux-là sont soudés à vie pour le meilleur et pour le pire.
La suite de l'histoire est tout aussi truculente. Nous assistons à la convalescence des deux compères puis à leur retour à la vie civile, rendu compliqué par le physique d'Edouard Péricourt, devenu entre temps Eugène Larivière. Car Edouard ne veut pas revoir sa famille. Et c'est pourtant cette famille que l'on apprend à connaître dans la suite du roman. Tout d'abord Madeleine Péricourt, très peinée par le "décès" de son frère, puis le père, le patriarche, Marcel Péricourt, riche banquier.
Edouard est doué pour le dessin. Et c'est lui qui a l'idée d'imaginer des monuments aux morts et de les vendre, sur catalogue, à un maximum de communes françaises s'apprêtant à commémorer le premier anniversaire de la fin de cette guerre en rendant hommage à leurs morts.
La suite est à la fois drôle et dramatique, j'ai oscillé tout au long de cette lecture entre le sourire et la peine.
Dans l'épilogue, le narrateur nous donne des nouvelles de chacun, des années après.
Je découvre Pierre Lemaitre avec Au revoir là-haut, et j'en suis ravie, cela signifie que j'ai encore beaucoup de romans de cet auteur à découvrir ! Pour commencer, je vais lire avec beaucoup de curiosité et de plaisir la suite de cette histoire, qui s'intitule Couleurs de l'incendie.
J'ai eu la grande chance de rencontrer Pierre Lemaitre ici à Berlin, à l'occasion de la sortie en Allemagne de Die Farben des Feuers (Couleurs de l'incendie) aux éditions Klett-Cotta. La soirée était animée par le traducteur allemand de Pierre Lemaitre, Monsieur Tobias Scheffel. Un excellent moment, au cours duquel tout le public a pu constater le grand talent de conteur de l'auteur. C'est d'ailleurs lui qui lit son propre roman dans la version audio, et tant mieux ! Je pense que la maison d'édition ne pouvait faire un meilleur choix.
A voir également, le film Au revoir là-haut, réalisé par Albert Dupontel en 2017, avec un scénario d'Albert Dupontel et Pierre Lemaître.
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Gros coup de coeur
p. 118 "Le gendarme avait la quarantaine satisfaite (ventre rond, presque gras, à se demander comment il était parvenu à se nourrir ainsi pendant quatre ans) et suspicieuse. Le genre d'homme qui a le sens du devoir. C'est un truc saisonnier, le sens du devoir. Par exemple, depuis l'armistice, c'était une denrée plus fréquente qu'avant."
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p. 156 "Ce regroupement des sépultures n'excluait pas de restituer un jour à celles qui le souhaitaient le corps de leurs soldats, mais le gouvernement espérait qu'une fois constituées, ces immenses nécropoles où les héros reposeraient "auprès de leurs camarades morts au combat" calmeraient les ardeurs familiales. Et éviteraient de gréver à nouveau les finances de l'Etat par des transports individuels, sans compter les questions sanitaires, un vrai casse-tête qui coûterait les yeux de la tête alors que les caisses resteraient vides tant que l'Allemagne n'aurait pas payé ses dettes."
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p. 161 "Elle n'était pas bête, la tête près du bonnet, comme feu sa mère, femme de caractère, pas le genre à s'emporter, à céder à la tentation. Avant-guerre, elle les avait démasqués de loin, les petits ambitieux qui la trouvaient banale vue de face, mais très jolie vue de dot. Elle avait une manière aussi efficace que discrète de les éconduire."
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p. 306 "La seule chose qui aurait légèrement ébranlé le refus obstiné d'Albert, c'était l'argent. La fortunr que promettait Edouard. C'est vrai qu'il allait s'en dépenser des sous. Le pays tout entier était saisi d'une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants."