Interview de Nancy Guilbert - Le sourire du diable
Interview de Nancy Guilbert
Par Pauline d’Entre Les Pages
Par Blandine de Vivrelivre
Par Cécile de La Maison des Livres
La chronique de Blandine *** La chronique de Pauline *** La chronique de Cécile
Des questions sur l’histoire :
Pauline :Pourriez-vous nous présenter Le sourire du diable ? Comment est venue l'idée de ce livre ?
C’est l’histoire d’un secret de famille, mais surtout de ses conséquences sur trois générations.
Le récit commence avec les échanges entre deux personnages qui ne se connaissent pas, Louise et Wolgang. Au fur et à mesure, on découvre les évènements passés et les remous qu’ils ont provoqués.
L’idée m’est venue par les personnages : l’un connaissait le secret, l’autre pas…
Blandine : Comment avez-vous choisi les prénoms ? Certains se sont-ils imposés ?
Wolfgang s’est imposé tout de suite (j’aime ce prénom que j’associe à Mozart, forcément) ; celui de Rose est arrivé assez rapidement, mais je ne l’associe à rien de particulier : j’apprécie ce prénom, tout simplement.
En revanche, pour Louise et Nina, j’ai eu plus de mal à choisir. Tant que je ne cernais pas exactement les personnalités de ces deux personnages, les noms étaient flous dans mon esprit.
La forme polyphonique et l’utilisation des différentes formes de l’écrit ont –ils rendu l’écriture plus facile ?
Oui, complètement !
Cela m’a permis de m’immerger davantage dans chaque univers, de rompre la monotonie de l’écriture « en solo », de tenir le lecteur en haleine grâce à ces changements de forme.
Souhaitiez-vous écrire durant les années de la Deuxième Guerre Mondiale et l’Occupation, ou cette période historique, propice à bien des scenarii/horreurs/courages, n’est-elle qu’un « prétexte » ?
Je voulais absolument écrire sur cette période qui me hante terriblement, pour les raisons que vous décrivez juste avant.
Cécile :Quand vous avez écrit ce roman, aviez-vous déjà un plan détaillé de tout le déroulement, y compris la fin, avant de commencer l’écriture, ou bien vous êtes-vous laissée guider par l’écriture et par les personnages ?
J’avais un plan un peu flou (sauf le lien entre Louise et Wolgang) mais l’histoire a subi beaucoup de changements, surtout pour le personnage de Friedrich. Il ne ressemble pas du tout au premier personnage que j’avais créé. J’ai écouté les retours d’une éditrice et de mes bêtas-lectrices qui m’ont bien conseillée. Les personnages m’ont guidée aussi, petit à petit, notamment Renée, pour aller plus en finesse dans le scénario.
Pauline :Les lecteurs qui vous connaissent bien vous découvrent ici dans un registre totalement différent. La forme et les thèmes abordés sont éloignés de la plupart de vos albums (mettre des exemples et des liens vers les articles).
Effectivement, je n’écris pas de la même façon dans les albums, qui ne s’adressent pas à la même tranche d’âge et qui ne peuvent pas aborder de thèmes aussi difficiles que dans le roman.
Aviez-vous peur qu'ils soient déroutés ?
Oui, bien sûr ! Je me demandais comment les lecteurs accueilleraient ce texte dur.
Savez-vous si vous avez attiré des lecteurs qui ne vous connaissaient pas avant Le sourire du diable ?
Je n’en sais rien encore, mais je l’espère ! Je pense que pour l’instant, les lecteurs de Deux secondes en moinsme suivent. Les premiers retours et avis me rassurent, ils sont très positifs.
Voici quelques exemples d'autres livres de Nancy Guilbert
Petit-Arbre veut grandir – Chez Blandine
L’Odysée de Kumiko – Chez Pauline
La Pilote du Ciel – Chez Cécile
Pauline :Dans Le sourire du diable, vous vous inspirez de thèmes qui vous touchent personnellement (la famille, les relations mère/fille, la résilience), pensez-vous qu'un auteur doive toujours insérer une part de vécu dans ses écrits ?
Personnellement, je pense que c’est indissociable : j’écris à partir de ce qui me touche, et ce qui me touche fait forcément écho à des évènements ou à des ressentis personnels. En général, c’est cet élément déclencheur qui donne le point de départ du texte.
Peut-être que tous les auteurs ne fonctionnent pas ainsi, mais en tout cas, ceux que je connais et avec qui j’échange ont la même façon de procéder.
Cécile :La musique est très présente dans vos romans. Ecoutez-vous de la musique quand vous écrivez ? Si oui, écoutez-vous la musique citée dans le roman ?
Oui, tout à fait, et lorsque j’aime un morceau je peux l’écouter une vingtaine de fois à la suite, jusqu’à en connaître chaque variation par cœur.
Imagine et Si j’étais né en 17, par exemple,font partie de ces morceaux et je les ai réécoutés pendant l’écriture du roman.
Blandine : Les différentes formes d’Art (la musique, la peinture, les citations) fleurissent tout au long de vos livres. Viennent-elles « naturellement à vous » ? Que souhaitez-vous partager en les intégrant à vos narrations ?
Elles viennent sans arrêt et je dois même faire un tri ! Lorsque je les intègre, je souhaite partager avec mes lecteurs les émotions que je ressens, ma façon de voir le monde, de l’ouvrir davantage au lieu de me limiter à l’action que je décris. Certaines phrases, tableaux ou musiques disent plus que des mots, apportent un autre point de vue de façon plus subtile.
Dans ce roman, le silence occupe autant de place que les mots (écrits ou parlés) (je m’en suis rendue particulièrement compte en rédigeant ma chronique), ses différentes manifestations ont-elles été voulues dès le début ?
Je m’en rends compte en vous lisant, Blandine ! Je l’ai sans doute fait de façon inconsciente.
Le silence, comme un besoin pour poser les choses, réfléchir.
Mais également, comme un refuge ou pour s’isoler de quelque chose de trop difficile.
Des questions concernant l'édition...
Pauline
Est-ce vous qui avez choisi ce titre, Le sourire du diable ? Que vouliez-vous que le lecteur pense, ressente, imagine en le découvrant (avant de rentrer dans l’histoire)?
Oui, c’est moi qui l’ai choisi, et j’ai dû argumenter avec mon éditrice pour le garder. Je la remercie d’avoir écouté mes arguments !
A l’origine, il s’appelait Le poids d’un secret, mais je trouvais qu’il en disait trop, que c’était trop convenu. Lorsque j’ai écrit la scène où Louise raconte que sa mère lui disait qu’elle avait le sourire du diable, j’ai su que c’était le titre que je voulais.
Avez-vous eu votre mot à dire concernant la couverture ? Elle est très belle !
Merci, Pauline !
Je souhaitais des ombres chinoises, c’était présent dans ma tête dès le début. Passé, ombre, l’ombre du passé… Cela devait faire écho, sans doute. Nos ancêtres et leurs histoires font parfois de l’ombre sur nos vies. L’éditrice préférait autre chose, j’ai dû là aussi défendre mon point de vue, et j’en suis ravie car les retours sont plutôt très positifs.
Trouvez-vous qu'elle représente bien l'histoire, l'ambiance ?
Complètement !
Blandine :
L’éditeur indique 11 onze ans, mais nous sommes plusieurs chroniqueuses à estimer que 13 ans serait plus approprié. Qu’en pensez-vous ?
Tout à fait ! Si jamais il est réimprimé, je demanderai ce changement. Il est approprié pour les collégiens de 3ème, année où l’on étudie la 2ndeguerre Mondiale.
Vous avez écrit sur votre blog : « L'histoire et le thème sont difficiles et j'ai dû trouver la force pour me convaincre que Louise, Wolfgang et les autres avaient le droit d'exister et de raconter des choses compliquées, mais aussi d'apporter résilience et pardon. On dit parfois que les personnages insistent pour qu'on raconte leur histoire. »
Qu’est-ce qui vous faisait douter ? Ce qu’a vécu Rose ?
Oui, ces thèmes difficiles ne trouvent pas forcément leur public et j’avais peur qu’on ne comprenne pas non plus mon intention d’écriture. Comme l’a écrit Pauline plus haut, cela sortait un peu des histoires dans lesquelles le public me retrouve.
Est-ce ce qui a rendu le processus éditorial long ?
Non, pas exactement. J’ai pris du temps à l’écrire, puis j’ai été en contact avec une autre maison d’édition qui l’aimait bien, mais qui finalement a abandonné l’idée.
Les éditions Oskar l’ont accepté assez vite, mais les aléas éditoriaux ont retardé sa sortie.
Après Le Sourire du Diable :
Pauline : Sur quels autres thèmes aimeriez vous écrire un ou des romans ?
La famille et la résilience me collent à la peau, donc je pense que les lecteurs me retrouveront encore sur ces thèmes-là !
Seule ou à quatre mains ? (ou plus!)
J’adore les quatre mains, donc ce serait volontiers ! Mais je voudrais bien aussi retenter un solo.
Blandine : avez-vous des projets en cours, d’autres romans ado en préparation ? Des sorties ?
Un roman à quatre mains avec Yaël Hassan chez Magnard, deux albums, l’un chez Courtes et Longues et l’autre chez les P’tits Bérets, un roman première lecture (le 5èmetome du Club des CE1) chez Hachette, le 5èmetome de Lili Pirouli chez Des ronds dans l’O, et deux romans ado en solo chez Oskar.
J’écris un autre roman à quatre mains avec Marie Colot, et j’ai beaucoup d’idées dans mes carnets d’écriture…
Des rencontres autour de ce roman sont-elles prévues ?
Non, pas encore, il faut toujours un temps entre la sortie et l’invitation des professeurs et médiathécaires, mais je vais commencer à en parler pendant les interventions et salons prévus.
Merci infiniment Nancy !
Merci à toutes les trois pour la pertinence de vos questions et votre intérêt sur ce roman, ainsi que pour vos chroniques !