ORADOUR SUR GLANE Un village si tranquille - Vanina Brière
- Titre : Oradour sur Glane - Un village si tranquille
- Auteur : Vanina Brière
- Age : 9-12 ans
- Editions : Oskar éditeur (collection Histoire et Société)
- Date de parution : 25 octobre 2018
- Nombre de pages : 111
- ISBN : 979-1-0214-0628-5
Edit du 10 juin 2019. Il y a 75 ans aujourd'hui avait lieu le massacre d'Oradour-sur-Glane.
Edit du 23 août 2020. Je remets cet article en avant, suite aux dégradations accompagnées d'inscriptions négationnistes perpétrées cette semaine à Oradour. C'est pour cela qu'il faut que les livres comme celui-ci circulent encore et encore.
L'auteur
Née au Mans en 1976, après un doctorat en histoire contemporaine et une thèse ayant comme sujet Les Français déportés au camp de concentration de Buchenwald", Vanina Brière écrit des romans jeunesse sur la seconde guerre mondiale. Elle est aussi chargée de recherche à la Fondation pour la Mémoire de la Déportation à Caen.
Quatrième de couverture
En ce samedi 10 juin 1944, le paisible village limousin d'Oradour-sur-Glane entre tristement dans l'Histoire. Près de deux cents soldats allemands encerclent le bourg et rassemblent la population sur le Champ de Foire. Commence alors le plus grand massacre de civils que la France ait connu durant la Seconde Guerre mondiale : les hommes sont abattus puis brûlés. Les femmes et les enfants sont réunis dans l'église et subissent le même sort. A travers l'histoire de Robert, survivant du massacre, et Albert, témoin de cette tragique journée, on comprend comment ce village martyr est devenu le symbole national des atrocités nazies.
Mes impressions
Oradour-sur-Glane est un village que je connais bien, je passe devant régulièrement depuis toute petite. J'ai le souvenir enfant, d'en avoir un peu peur, je n'osais pas regarder, cette vision de destruction m'effrayait. A l'époque, le mémorial n'existait pas et la route menant à Limoges passait vraiment aux portes du "village martyr". Et puis avec le recul, quand j'y réfléchis, je réalise qu'à ce moment-là (début des années 1980), cela ne faisait pas "si longtemps"... !
Le 4 août 1944, dans la commune du Vigeant, petit village très proche de chez nous, des civils ont également été massacrés, suite à un accrochage avec des groupes de résistants :
"De violents combats ont lieu entre les FFI et la Wehrmacht l’été 1944. Le 4 août 1944, les maquis Adolphe et Joël, composés de jeunes inexpérimentés, membres des FFI, accrochent, à proximité du Vigeant une colonne de la Wehrmacht qui remonte vers la Normandie pour contrecarrer les Alliés qui viennent d’y débarquer, le 6 juin. Cette colonne est encadrée par la Milice. Le combat est inégal, entre des maquisards sous-équipés et une armée expérimentée et bien armée. 18 résistants, âgés de 18 à 26 ans, trouvent la mort, deux autres sont tués lors d’une embuscade près de Persac. Les troupes allemandes investissent Le Vigeant et s’y livrent à des représailles. Des maisons sont pillées et incendiées. 22 civils sont exécutés. Le plus vieux a 73 ans et le plus jeune 17 mois. Onze otages sont contraints d’attendre la mort toute l’après-midi, à genoux, en plein soleil, le long du mur d’une mare desséchée. Ils sont fusillés vers 17 h. De nos jours, ce mur qui sert de soubassement au mémorial des Fusillés, porte encore les traces et impacts des balles." (Source Wikipedia)
Lorsque j'étais collégienne, avec quelques camarades et à l'initiative de notre professeur d'histoire (que je ne remercierai jamais assez pour cette expérience incroyable), nous avons retracé cette journée, allant interviewer les différents survivants, cherchant dans les archives... ce qui a abouti à la rédaction d'un livre sur le massacre du Vigeant.
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J'ai bien sûr lu beaucoup de livres sur Oradour, découvert au fur et à mesure l'atrocité de ce qu'il s'y est passé ... mais quand j'ai eu connaissance de ce nouveau livre adressé plutôt à la jeunesse, j'avais envie de voir comment le sujet était appréhendé. Je partage donc aujourd'hui cette découverte et je remercie les éditions Oskar de m'en avoir offert la possibilité.
Préfacé par monsieur Albert Valade, lui-même auteur de plusieurs ouvrages sur Oradour, ce livre comporte quinze chapitres. Au début figure un plan du village, indiquant les différents lieux du massacre.
Le premier chapitre nous présente le village d'Oradour, charmant petit bourg du Limousin, le dimanche 4 juin, avec ses enfants, rassemblés sur le Champ de Foire, les parents les surveillant du coin de l'oeil, se détendant aux terrasses des cafés. Les jeunes se sont eux réunis en cachette dans une grange pour s'amuser un peu, certains discutent du prochain match de foot, qui se disputera dimanche prochain dans un village voisin. Rien d'inquiétant en ce mois de juin 1944, la guerre semble "loin", en tous cas ici on ne se sent pas menacé.
p.5 "Les Allemands n'y ont pas été vus depuis la nuit du 11 novembre 1942. Une pétarade sourde avait réveillé les villageois ainsi que des éclats de voix aux intonations étranges. En représailles du débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre, les nazis avaient envahi la zone sud de la France restée libre. Plusieurs camions bruyants, sombres et gris traversèrent, pour l'occasion, Oradour-sur-Glane."
Au chapitre deux, le mercredi 7 juin 1944, nous faisons la connaissance de Robert, un jeune du village, âgé de 19 ans. Après son certificat d'études, faute de pouvoir faire son apprentissage chez le pâtissier du village (qui a été mobilisé) Robert travaille dans un garage de Limoges, où il se rend chaque jour en tramway. Il rentre chaque soir chez ses parents Jean et Marie. Il a trois soeurs : Odette, l'aînée, est mariée et vit avec son mari à quelques kilomètres. Georgette, 22 ans et Denise, 9 ans vivent avec leurs parents, comme Robert.
Et puis arrive cette journée du 10 juin 1944, racontée dans les 7 chapitres suivants. L'incompréhensible. Les soldats allemands pénètrent dans le village après l'avoir soigneusement encerclé, rassemblent la population sur le Champ de Foire, disent qu'ils vont procéder à des contrôles. Les gens ne sont pas inquiets outre mesure. Puis on sépare les hommes des femmes et des enfants. Encore une fois, pas trop d'inquiétude, les hommes pensent que les soldats veulent les mettre à l'abri. Et puis c'est le massacre que l'on connaît... Robert est l'un des cinq survivants. Sa maman et ses deux plus jeunes soeurs sont tuées. Ce jour-là, son père, parti aider un ami dans un village voisin, échappera au carnage.
Les chapitres 10 à 15 racontent les jours suivants, puis les années suivantes, avec le procès de Bordeaux en 1953 à l'issue duquel les accusés seront tous finalement amnistiés, puis le procès qui se déroule à Berlin-Est en 1983.
Ce livre, qui s'adresse à un jeune public, traite le sujet avec "délicatesse" (autant que faire se peut quand on parle d'un tel événement). Le ton reste factuel et permet d'évoquer le drame en ne versant jamais dans le voyeurisme ou le pathos, même si certaines scènes sont bien sûr très dures.
Le graphisme de la couverture, de Raphaël Hadid, est très réussi. Dans un premier temps ont pourrait croire à un monstre aux cheveux de feu, alors qu'il s'agit de l'église en flammes... une image très parlante.
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J'ai pris cette photo d'une photo de l'église brûlée d'Oradour-Sur-Glane au tribunal de Nuremberg, où s'est tenu le procès des 24 principaux criminels nazis du 21 novembre 1945 au 1er octobre 1946.
Tribunal de Nuremberg
Des photos d'Oradour sont également visibles à Berlin, notamment au musée "Topographie des Terrors", musée relatant les crimes du 3ème Reich, situé sur les lieux de l'ancien siège de la Gestapo.
Pour celles et ceux qui souhaitent aller "plus loin", voici quelques reportages et témoignages que j'ai visionnés après avoir lu le livre et que je trouve intéressants.
Témoignage de Mr Robert Hebras
Témoignage de Mr Werner C., ancien Waffen-SS inculpé pour le massacre d'Oradour-sur-Glane
Réaction de Robert Hebras à ce témoignage
Reportage sur le massacre et recherches dans les archives
Et pour finir, je garde un souvenir ému de la visite à Oradour de Monsieur Joachim Gauck, le 4 septembre 2013. Il est le premier président allemand à se rendre à Oradour. J'étais alors tout près, avais déjà vécu cinq ans en Allemagne et les images de cette visite tellement symbolique m'avaient beaucoup touchée. En arrivant à Berlin il y a quatre ans (il était encore président), j'y pensais à chaque fois que je passais devant le Château de Bellevue, sa résidence.
François Hollande, Robert Hebras et Joachim Gauck dans l'église.
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p.73 "Depuis huit jours que le massacre a été découvert, Robert est dans un état second. Il répond à peine quand on lui parle. Il est totalement absent. A tout instant, il est pris de crises de larmes et refuse toujours de rentrer dans la maison. Il a tout perdu, il n'a plus aucun vêtement à part ceux qu'il porte depuis le jour du massacre, tout a brûlé dans l'incendie. Son père, Jean, finit par le conduire à Oradour le samedi suivant. Le Secours national et la Croix-Rouge se sont installés à proximité du village."
p.81 "Les Waffen-SS demandent au chef de la Milice locale de choisir une localité à anéantir. Celui-ci désigne Oradour-sur-Glane. Le bourg a un profil idéal : facile à cerner, facile d'accès et facile à détruire. En plus, ce n'est pas un repère de maquisards, donc pas de résistants à affronter. Les ordres sont clairs : raser le village et tuer tous ses habitants."
p.83 "Six cent quarante-deux hommes, femmes et enfants ont été exécutés à Oradour-sur-Glane ce 10 juin 1944. Les survivants du massacre sont au nombre de six."
p.89 "Son regard se tourne vers le banc des accusés mais il n'en reconnaît aucun. Le 10 juin 1944, il a vu des soldats en tenue de camouflage. Là, il a face à lui des hommes en costume-cravate."
p.92 "A Berlin, une délégation les attend et les aide pour les formalités. Elle les conduit à l'hôtel. Le lendemain matin, on vient les chercher pour les emmener au tribunal. Aussitôt, ils vont dans la salle d'attente, où ils rencontrent leur interprète officiel. Robert est le premier témoin appelé à la barre. Quand il voit Barth, l'accusé, il a devant lui un vieillard et peine à imaginer que cet homme ait pu être l'auteur du massacre d'Oradour. Le tribunal confirme que Heinz Barth était sous-lieutenant dans la 3e compagnie du 1er régiment de la division "Das Reich" le 10 juin 1944."
Edit du 20 mai 2019, quelques photos d'Oradour prises le mois dernier lors de notre retour en France.