Le bal des folles - Victoria Mas
/image%2F1253079%2F20250328%2Fob_899687_le-bal-des-folles.jpg)
Titre : Le bal des folles
Autrice : Victoria Mas
Editions : Le Livre de Poche
Nombre de pages : 240
ISBN : 978-2253103622
Quatrième de couverture
1885 : comme chaque année, à la Salpêtrière, se tient le très mondain " bal des folles ". Le temps d'une soirée, le Tout-Paris s'encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Cette scène joyeuse cache une réalité sordide : ce bal " costumé et dansant " n'est rien d'autre qu'une des dernières expérimentations de Charcot, adepte de l'exposition des fous.
Dans ce livre terrible et puissant, Victoria Mas choisit de suivre le destin de ces femmes victimes d'une société masculine qui leur interdit toute déviance et les emprisonne. Parmi elles, Geneviève, dévouée corps et âme au célèbre neurologue ; Louise, abusée par son oncle ; Thérèse, une prostituée au grand coeur qui a eu le tort de pousser son souteneur dans la Seine ; Eugénie enfin qui, parce qu'elle dialogue avec les morts, est envoyée par son propre père croupir entre les murs de ce qu'il faut bien appeler une prison.
Un hymne à la liberté pour toutes les femmes que le XIXe siècle a essayé de contraindre au silence.
Mes impressions
Qu'est-ce que la folie ?
Ce texte est une fresque saisissante des pratiques qui avaient cours à la Pitié Salpêtrière à la fin du XIXe siècle.
Les femmes qui dérangeaient y étaient enfermées, internées, sans espoir d'en sortir un jour. Parmi elles, autant de filles de la rue que de jeunes femmes issues de la bourgeoisie, que leur attitude hors normes mettait à mal.
Elles servaient de matière d'étude aux médecins dont la renommée n'était plus à faire, parmi eux Jean-Martin Charcot ou Georges Gilles de la Tourette (dont les parents, je l'ai appris récemment, étaient originaires de notre village, L'Isle-Jourdain dans la Vienne !)
A travers la rencontre de Geneviève, infirmière à la Pitié Salpêtrière et Eugénie, jeune-fille de bonne famille, Victoria Mas nous entraîne à la découverte d'une société sans pitié, très normée. Pas de place pour la folie, pas de place pour le doute. Ou plutôt si, une seule place, l'internement.
Une lueur d'espoir dans cette morne existence, le bal de la mi-carême, donné chaque année à l'hôpital. Il fait autant la joie des folles que celle des notables parisiens qui y sont conviés, ces derniers y trouvant un certain réconfort, assouvissant leur avide voyeurisme tout en se rassurant quant à leur propre "normalité".
Un roman historique très fort, qui met en lumière la toute puissance masculine à une époque pas si lointaine. Glaçant.
p.14 " Pour ces gens que la moindre excentricité affole, qu'ils soient bourgeois ou prolétaires, songer à ces aliénées excite leur désir et alimente leurs craintes. Les folles les fascinent et leur font horreur. "
p.33 " Debout près de la cheminée ou assis sur des canapés du siècle dernier, des jeunes hommes discutent à voix basse et fument cigares ou cigarettes. La nouvelle élite parisienne, bien-pensante et conformiste. Sur les visages se lit la fierté d'être né dans la famille qu'il faut ; la nonchalance de leurs gestes révèle le privilège de n'avoir jamais eu à connaître le labeur. Pour eux, le mot valeur ne prend sens qu'au regard des tableaux qui ornent les murs et au statut social dont ils jouissent sans avoir oeuvré pour l'acquérir. "
p.107 " Cette jeune bourgeoise ne lui paraît pas spécialement folle, même si les plus profondes folies ne se voient pas. Thérèse se souvient de clients les plus convenables, les plus propres au premier abord, qui une fois la porte de la studette fermée se révélaient de véritables malades. Mais la folie des hommes n'est pas comparable à celle des femmes : les hommes l'exercent sur les autres ; les femmes, sur elles-mêmes."